Les ordinateurs personnels vont devenir de plus en plus «virtuels» à mesure que les fabricants de logiciels exploitent Internet pour permettre aux utilisateurs de travailler depuis n'importe quel poste.

Les données personnelles ne se stockent plus dans le disque dur d'un unique ordinateur: avec un logiciel de «PC virtuel», un employé peut se connecter depuis n'importe quel ordinateur à un serveur central dont il utilise la puissance et où tous ses fichiers essentiels sont sauvegardés.

Ainsi, aucune information sensible ne peut être perdue, même si le matériel est volé. En cas d'accident, un PC virtuel peut être facilement restauré depuis un centre de sauvegarde de données.

Un ordinateur de bureau dernier cri peut donc être remplacé par une machine moins chère pour effectuer le même travail. Et si un PC virtuel tombe en panne, il suffit de le formater et d'en installer un nouveau.

«Clic droit, installer, c'est fait», explique Tom Gibaud, responsable des technologies de l'information à l'hôpital général de Rochester, dans l'État de New York. Nul besoin d'attendre un technicien.

L'hôpital a virtualisé 150 de ses 3 000 ordinateurs depuis janvier, utilisant un logiciel de VMware, leader du marché de la virtualisation des serveurs.

Vieille idée, nouvelle ère

Le concept de l'ordinateur à distance n'est pas nouveau. Pendant des années, les sociétés ont tenté de remplacer les ordinateurs de bureau et portables par des machines moins puissantes qui s'appuieraient sur des serveurs à distance pour effectuer leurs opérations.

En 1999, Sun Microsystems avait lancé un appareil de la taille d'un livre, le «Sun Ray», et comptait sur lui pour révolutionner le secteur. Mais ces ordinateurs «allégés» ne sont pas parvenues à prendre le pas sur les PC traditionnels, auxquels utilisateurs et entreprises étaient habitués.

Grâce aux progrès technologiques et aux débits Internet plus rapides, des fabricants de logiciels comme VMware, Microsoft et Citrix Systems se bousculent pour développer un marché dont les analystes estiment qu'il pourrait un jour générer des milliards de dollars de ventes annuelles.

«C'est là où l'enthousiasme se trouve aujourd'hui. C'est une technologie dont les entreprises entendent parler et estiment qu'elle va changer la manière de gérer tous leurs ordinateurs de bureau», explique Natalie Lambert, analyste de Forrester Research.

Des logiciels permettant de créer des serveurs virtuels connaissent déjà un grand succès car ils permettent aux entreprises d'économiser du temps et de l'argent en faisant fonctionner plusieurs de ces serveurs sur une seule machine. Mais les analystes estiment qu'il risque de falloir jusqu'à trois ans pour amortir le coût d'installation de cette nouvelle technologie - avec ses terminaux, ses serveurs et ses logiciels.

Le défi, aujourd'hui, est de convaincre les sociétés de virtualiser leurs PC en faisant fonctionner des dizaines de machines sur un seul serveur et en les reliant aux employés via un réseau d'entreprise ou internet.

Une nouvelle vague?

Les groupes de santé, les institutions financières et les agences gouvernementales qui craignent des fuites de données jugent rassurantes les garanties de sécurité.

Le fabricant de produits surgelés Schwan Food est en train de virtualiser plus de la moitié de ses 2 500 ordinateurs, principalement pour qu'ils puissent fonctionner si une catastrophe touche son siège de Marshall, dans le Minnesota, où est installé son principal centre de stockage de données.

Ses employés pourraient alors travailler depuis leur domicile en cas d'urgence, en utilisant des versions de leur PC virtuel enregistrées dans le centre de données de secours, a déclaré le responsable informatique de Schwan, Cory Miller.

Schwan Food a abandonné ses projets d'acheter de nouveaux ordinateurs pour installer Windows Vista et a préféré réaliser des économies en installant le système d'exploitation sur des serveurs et de le diffuser sur les vieux ordinateurs du groupe.

Mais cela reste une exception. Selon les cabinets d'étude, seul un groupe sur dix a essayé ces logiciels pour PC virtuels, alors que presque tous ont virtualisé leurs serveurs.

Le marché est naissant et les ventes devraient représenter moins de 500 millions de dollars cette année, selon les prévisions d'IDC. Le cabinet Yankee Group estime lui que les ventes devraient dépasser un milliard de dollars l'année prochaine, soit environ 8% du marché de la virtualisation, et 4 milliards d'ici 2011.

«Le virtualisation de PC est la prochaine vague. Mais ce ne sera pas un tsunami ou une marée. Cela va prendre du temps», estimé Laura DiDio, analyste chez Yankee.

De nouveaux acteurs sont alléchés par ces prévisions. L'éditeur de logiciels de sécurité Symantec a annoncé la semaine dernière un plan de rachat de nSuite, une petite société du Massachusetts, qui emploie 15 personnes, et qui vend des logiciels de virtualisation de PC à des groupes de santé.

VMware, filiale d'EMC, domine le marché mais cela pourrait changer, prévient Ronni Colville, chez Gartner. «Il est encore tellement tôt que je ne pense pas que quelqu'un puisse dire qu'il y a un gagnant évident».