Le bouquin est l'enfant pauvre du numérique. On annonce son avènement depuis des années, mais contrairement à la musique, les films et la télé, le livre numérique est loin d'être le succès tant espéré. Ça pourrait bientôt changer. C'est du moins le pari de la maison d'édition montréalaise Robert ne veut pas lire, qui mise sur l'informatique mobile pour conquérir la Francophonie.

«Ça fait 10 ans qu'on le dit, mais je suis convaincu que dans 10 ans, on n'utilisera plus de papier», affirme Laurent Rabatel, l'un des trois fondateurs de Robert ne veut pas lire. Et contrairement à ce mystérieux Robert, Laurent, lui, veut faire lire. Et pas n'importe qui: les ados, le public le plus réticent à la littérature imprimée.

«Plusieurs arrêtent de lire vers 14 ans, dit-il. C'est la crise d'adolescence, une rébellion contre ce que l'on aimait quand on était enfant.» En offrant un format électronique compatible avec les appareils mobiles, du sans-fil aux ordinateurs de poche, M. Rabatel, ainsi que ses deux partenaires, Pascal Beauchesne et Jean-François Chételat, pensent qu'ils peuvent renverser cette tendance.

Pour s'en convaincre, Laurent Rabatel cite un article du magazine anglais Monocle, qui révèle que des 20 best-sellers vendus en 2007 au Japon, plus de la moitié étaient offerts exclusivement en format électronique pour être lus sur un téléphone cellulaire. La tendance pourrait se répandre ailleurs dans le monde.

Évidemment, plus que la forme électronique du livre, c'est son contenu qui compte. Robert ne veut pas lire compte donc attirer des auteurs de renom sous sa bannière afin d'offrir du matériel original et de qualité. «On paie d'ailleurs beaucoup mieux nos auteurs, puisqu'on leur verse 25% des recettes», ajoute Laurent Rabatel, qui omet de dire que le prix de détail d'un livre électronique est beaucoup plus bas que celui d'un imprimé

Cela dit, les auteurs sont libres d'écrire à leur propre rythme, un chapitre à la fois, sur les thèmes qu'ils veulent bien exploiter. «De tous les médias, le roman est le dernier espace de véritable liberté. Dans un roman, on peut assassiner Julie Snyder ou Stéphan Bureau sans que personne n'ait rien à redire!»

Bibliothèques de poche

Le roman numérique pousse cette liberté jusque dans sa forme, puisque les fabricants d'appareils électroniques ont récemment repris goût à la littérature électronique. Après Sony, qui propose un appareil de poche, appelé Reader, destiné exclusivement à la lecture de livres électroniques, c'était au tour de la librairie en ligne Amazon de lancer son propre appareil, le Kindle, l'automne dernier.

Depuis, même si les statistiques à ce sujet sont difficiles à obtenir, il semble que les ventes de livres électroniques aient explosé aux États-Unis. Selon l'Association des éditeurs américains, entre 2005 et 2007, les revenus générés par la littérature électronique ont quadruplé chez l'Oncle Sam, pour atteindre un peu plus de 30 millions de dollars américains.

Le fait qu'il existe des appareils conçus pour lire les livres en format électronique n'est pas étranger à la croissance soudaine du marché. C'est tout un défi qui attend la maison d'édition montréalaise, puisque ni le Reader, ni le Kindle, ni aucun appareil du genre ne sont présentement offerts au Canada.

«Nous avons prévu d'offrir du soutien pour le Reader, admet Laurent Rabatel. Nous cherchons aussi à créer un partenariat avec au moins un opérateur sans fil», pour vendre des romans ou des bandes dessinées directement à partir des sans-fil de cet opérateur.

Bref, si jamais le livre électronique, ou «ebook», comme l'appellent les anglophones, finit par connaître le même sort que la musique, Robert ne veut pas lire sera là pour en profiter. Sinon il faudra peut-être s'en reparler dans 10 ans!