Huit cent soixante-trois habitants. Pour la plupart, des ouvriers forestiers. Juché dans les montagnes, à deux pas de la frontière américaine, ce petit village du Nouveau-Brunswick ne se distingue en rien de milliers d'autres. Et pourtant, c'est ici, à Clair, que se trouve l'école primaire la plus techno, branchée et multiplateforme du pays. Nous l'avons visitée.

Huit cent soixante-trois habitants. Pour la plupart, des ouvriers forestiers. Juché dans les montagnes, à deux pas de la frontière américaine, ce petit village du Nouveau-Brunswick ne se distingue en rien de milliers d'autres. Et pourtant, c'est ici, à Clair, que se trouve l'école primaire la plus techno, branchée et multiplateforme du pays. Nous l'avons visitée.

«Vous arrivez dans le village, au milieu de nulle part, et c'est le désert. Et puis vous entrez dans l'école, et c'est le Silicon Valley.» Mario Asselin, conseiller en intégration des technologies de l'information et des communications (TIC) en milieu scolaire, nous avait bien avertis.

Mais même prévenus, à notre arrivée au Centre d'apprentissage du Haut-Madawaska (C@HM, c'est son nom), c'est le choc.

Huit heures moins cinq, la cloche n'a pas encore sonné. Dehors sous la neige, l'école est entourée de montagnes. Pas un son, hormis un tracteur, là-bas, au loin. On est loin, très loin, des klaxons et du brouhaha assourdissant de Montréal. À plus de cinq heures de route vers l'est en voiture, précisément.

Le directeur de cette petite école primaire de 243 élèves, Roberto Gauvin, nous accueille en pantalon de toile, avec une chemise en jean et des sandales Crocs aux pieds. Attention, nous prévient-il, l'eau des fontaines n'est pas potable. Un problème de source. Mais ce n'est rien à côté des autres surprises qui nous attendent.

Dans son bureau: deux ordinateurs, sans compter un portable qui traîne sur une table. Dans un coin, une télé, allumée en permanence sur les nouvelles. Chaque classe a d'ailleurs la sienne, pour permettre au directeur de diffuser des messages en direct le matin, ou encore pour rendre publiques les vidéos réalisées par les jeunes. Car l'école compte aussi un studio d'enregistrement et de télévision, une régie, et une radio étudiante, dans ce que le directeur a baptisé le «cœur technologique» de l'école.

Les écoliers de 7e et 8e (le primaire va jusqu'en 8e année au Nouveau-Brunswick) ont tous un portable à leur disposition, propriété de l'école. Ils l'utilisent dans chaque cours, notamment pour écrire sur leur «carnet» (sorte de blogue éducatif), ou créer des podcasts, diffusés ensuite sur YouTube. L'intérêt est quantifiable: une écolière a fait une recherche sur la cellule végétale; nombre de visiteurs sur YouTube: 2000.

«Je n'emmène pas mes élèves sur YouTube, mais YouTube à mes élèves», se plaît-il à expliquer. Parce que quand un écolier sait qu'il va être regardé, écouté ou lu, il se prépare drôlement mieux, a-t-il constaté. D'où l'éventail d'outils technologiques mis à la disposition des classes.

L'an dernier, le ministère de l'Éducation du Nouveau-Brunswick a banni l'accès du site des Têtes à claques des écoles de la province. Au désespoir du directeur. Car des jeunes ont tôt fait d'envoyer des clips sur YouTube. «On va faire quoi, bannir YouTube? La solution, c'est d'éduquer, dit-il. Le jour où un élève aura un crayon planté dans l'oeil, est-ce qu'on va bannir tour les crayons?»

Des chercheurs suivent l'école à la loupe, entre autres pour évaluer les effets d'un accès direct à un ordinateur portable sur l'apprentissage. Verdict? «Ce qui ressort, c'est la motivation», note Sylvie Blain, professeure à la faculté d'éducation de l'Université de Moncton.

Plus assidus, les écoliers sont aussi davantage portés sur l'écriture, poursuit la chercheuse. Probablement parce qu'il est plus facile de retravailler un texte à l'écran, que sur papier.

En prime, l'accès direct à des connaissances sans cesse actualisées (par l'intermédiaire de l'internet) a poussé les enseignants à retravailler leur matière, dit-elle. Impossible, désormais, de passer à côté des ampoules fluocompactes dans les cours de sciences, même si le manuel, édité il y a quelques années, n'en souffle mot.

«Notre défi, c'est d'enseigner le programme de la province. Mais la province ne nous oblige pas de le faire avec une craie et un crayon », reprend le directeur.

Et après? Roberto Gauvin ne manque pas de projets: lors de notre passage, il commençait à recevoir des tablettes PC (portables à écrans pivotants, sur lesquels on peut écrire à la main), pour travailler la calligraphie des élèves de 2e et 3e années. Il veut aussi développer l'utilisation de la robotique en mathématiques. Et sous peu, il va offrir des ateliers de … tricot!

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