Force est de constater que les meilleurs forfaits offerts par nos entreprises de télécommunications sont loin derrière les offres françaises. La petitesse du marché canadien et le coût de distribution des services télévisuels expliqueraient cette différence.

«Il faut s'attendre à ce que l'entrée vigoureuse de la concurrence depuis deux ans rapporte au consommateur», croit néanmoins Mirko Bibic, chef des affaires réglementaires de Bell.

Il suggère cet exemple pour appuyer sa prédiction: «Chaque concurrent vous offre maintenant des forfaits de trois services (ou plus) avec des rabais appliqués sur les trois services indépendants. Avant la déréglementation du téléphone filaire (l'été dernier), les concurrents de Bell pouvaient offrir au consommateur des prix beaucoup plus bas sans avoir à demander l'approbation au CRTC, ce qui n'était pas le cas de Bell.

Or, nous pouvons désormais offrir un forfait de trois ou quatre services et ajuster les prix selon les besoins.»

Pour la téléphonie fixe, Vidéotron utilise pour sa part une technologie IP qu'il harmonise avec son puissant réseau de câblodistribution. En peu de temps, Vidéotron a ainsi gagné un demi-million d'abonnés en téléphonie, qui s'intègrent au 1,5 million de foyers qui faisaient déjà affaire avec lui pour le câble - sur un potentiel de 2,4 millions de foyers branchés au Québec.

Investissements

«Au cours des trois dernières années, nous avons investi plus d'un milliard dans notre réseau. Notre bande passante a 20 000 fois la taille qu'elle avait en 1998. Mais je ne vois pas comment on pourrait faire aussi bien qu'en France avec les contraintes de notre marché», dit Isabelle Dessureault, vice-présidente aux affaires générales de Vidéotron.

«En téléphonie locale, nous offrons une technologie IP au coût de 16,95$ par mois. Comment faire mieux?»

Pas en mode réduction

«Du côté de nos services internet, nous ne sommes pas dans un mode de réduction car nous devons amortir nos investissements. On ne peut procéder à des baisses aussi radicales que celles observées en France. Vu la taille de notre marché, notre capacité de rentabiliser nos investissements est plus limitée.»

Pour Ken Engelhart, vice-président à la réglementation et chef du secteur intimité de Rogers, le déclin des coûts est imminent mais ne peut être aussi prononcé qu'en France ou dans les autres marchés plus grands que celui du Canada.

«Cela étant, souligne-t-il, le prix du téléphone filaire classique au Canada est l'un des plus bas au monde.»

La solution de la baisse des coûts n'en demeure pas moins numérique, à condition que l'utilisation de cette technologie soit facile.

«Les téléphones IP connectés à l'ordinateur personnel tels que ceux mis de l'avant par les entreprises Vonage et Primus sont moins populaires que les experts l'avaient prévu. Les consommateurs canadiens ne veulent visiblement pas abandonner leurs habitudes. Ils veulent prendre leur téléphone et parler. Ils ne veulent pas se casser la tête», explique Ken Engelhart.

Cela justifie la croissance prochaine d'un téléphone numérique simplement branché sur un décodeur relié à l'internet - comme c'est le cas chez Vidéotron.

Forte pénétration au Canada

Ken Engelhart se monte en outre impressionné par le taux de pénétration de la connexion internet haute vitesse au Canada: 55% des foyers sont désormais connectés, ce qui positionne le pays en tête du G8.

«Ce fort pourcentage est attribuable à la concurrence que se livrent les compagnies de téléphone et les câblodistributeurs», estime-t-il.

Même son de cloche du côté de Stacey Masson, directrice principale des relations média de Telus: «La déréglementation récente du téléphone filaire a forcé l'industrie à améliorer ses services, à offrir une gamme plus complète de services au consommateur, avec des solutions plus innovatrices, de meilleures ententes de service.»

Mais elle ne croit pas que la baisse des prix soit une finalité... à tout prix. À court terme, on cherchera plutôt à améliorer la qualité des contenus et du service à la clientèle. «Il n'y pas que le coût qui soit important.»

Michael Hennessy, vice-président politique, large bande et vidéo de Telus, croit que les prix plus élevés des services au Canada sont attribuables non seulement à la petitesse du marché, mais aussi à certaines règles imposées par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC)

«Le Conseil, souligne-t-il en outre, va revoir les règles concernant les forfaits de télévision en janvier. Je ne crois pas qu'on arrivera quand même à baisser le prix de l'offre comme c'est le cas en France.

Les sommes minimales qu'un distributeur doit obligatoirement payer aux chaînes de télévision éliminent d'emblée les bénéfices si on faisait une offre mensuelle de trois services à plus ou moins 40$.»

Structure des coûts

«Au Canada, l'actuelle structure des coûts ne pourrait soutenir une telle offre. En revanche, Michael Hennessy croit qu'il y a encore place à l'amélioration des produits. "Par exemple nous proposons un forfait de 20$ par mois pour des interurbains gratuits partout au Canada.»

Et l'avenir? Le VP de Telus croit que les grands chantiers pour les fournisseurs de services en télécommunications s'annoncent du côté de la télévision IP, c'est-à-dire reliée directement à Internet.

Ce qui aura un impact considérable sur la câblodistribution telle qu'on la connaît aujourd'hui.

«De plus en plus de compagnies de télécommunications adopteront des technologies IP. Cela aura assurément des répercussions importantes sur les prix.»