Voilà une notion qui demande à être clarifiée en cette période marquée par le déclin accéléré des supports physiques des contenus de création: la notion de copie privée, dont l'avenir est incertain dans l'univers numérique.

Voilà une notion qui demande à être clarifiée en cette période marquée par le déclin accéléré des supports physiques des contenus de création: la notion de copie privée, dont l'avenir est incertain dans l'univers numérique.

La perspective de percevoir une redevance sur le prix des baladeurs numériques permet d'approfondir cette notion.

Mis de l'avant par la Société canadienne de perception de la copie privée (SCPCP), ce projet de redevance vise à indemniser les créateurs de musique pour l'usage qu'on fait de leurs oeuvres en les copiant dans les iPod et autres appareils de même acabit. Ce projet de la SCPCP serait tributaire du régime de copie privée créé en 1997 avec pour objectifs la légalisation de la copie privée sur support audio vierge et une rémunération juste et équitable aux titulaires de droits.

Puisque les supports physiques courants (CD, DVD, cassettes) sont en voie d'extinction, la SCPCP considère que la copie privée migre d'ores et déjà du CD vierge vers le iPod.

Il fallait s'y attendre, les fabricants et détaillants de baladeurs numériques ne voient pas les choses de la même façon. Ils refusent d'ajouter une redevance au prix des baladeurs numériques... et d'ainsi risquer de refroidir les consommateurs.

Voilà qui justifie une requête en révision judiciaire de la récente décision de la Commission du droit d'auteur. Cette décision admettait simplement la recevabilité de la discussion en audiences (prévues en 2008) d'un éventuel tarif sur les baladeurs numériques pour 2008-2009, requête formulée par les membres les plus puissants de la Canadian Storage Media Alliance (Apple, Microsoft, Skandisk, Sony, etc.) et du Conseil canadien du commerce de détail.

Fabricants et détaillants espèrent ainsi bloquer l'ouverture de la Commission du droit d'auteur à cette redevance sur les iPod préconisée par la Société canadienne de perception de la copie privée - qui représente évidemment les créateurs de musique.

Les majors contre la copie privée

Si ces opposants sont prévisibles, d'autres le sont moins: la Canadian Recording Industry Association, qui représente essentiellement les multinationales de la musique, veut aussi intervenir dans le débat... contre la copie privée.

En substance, la CRIA soutient qu'une redevance sur les baladeurs numériques aura pour effet d'accroître le téléchargement et le partage non autorisé des fichiers de musique sur internet. Pourtant, l'association n'a-t-elle pas passé une quinzaine d'années à défendre le régime de copie privée? C'était avant la venue des iPod, qui accélèrent la chute inéluctable des bons vieux CD. Or, ces derniers représentent encore plus de 90% des revenus de l'industrie de la musique, contrôlée à plus de 80% par les multinationales.

Même la Canadian Independent Record Production Association (CIRPA), qui représente des labels indépendants aussi influents que Nettwork ou Arts & Crafts, adopte un point de vue relativement similaire. «Le régime de copie privée n'a pas été créé pour justifier le partage généralisé et gratuit de la musique», a déclaré au magazine Billboard Duncan McKie, président de la CIRPA. Étonnant? Attendez voir.

Professeur, chercheur, juriste et grand spécialiste du droit d'auteur à l'ère numérique, le Canadien Michael Geist ne semble pas non plus d'accord avec ce projet de redevance sur les iPod ou les mémoires d'outils numériques. Le droit d'auteur, selon lui, ne doit pas être perçu sur les outils de lecture et d'enregistrement. En fait, Michael Geist semble plutôt favorable au concept de fair dealing en vigueur en Australie, notamment. Soulignant la liberté du consommateur de copier la musique qu'il a légalement achetée, le fair dealing ne prévoit aucune rémunération pour les créateurs en ce qui a trait à l'usage privé de leurs oeuvres.

Tous ne partagent pas cette vision des choses: les sociétés de perception de droit d'auteur de France et d'Allemagne s'inscrivent en faux contre le fair dealing. Actuellement, au moins 40 pays bénéficient d'un régime de copie privée comme c'est le cas au Canada.

Cela étant, le fair dealing compte beaucoup d'adeptes au Canada. Au-delà de ceux qui protègent leurs intérêts pécuniaires, les promoteurs de cette notion tendent à considérer le régime de copie privée comme une mesure appropriée au monde physique... et non à l'univers numérique.

Vraiment? Et si le projet de redevance sur les baladeurs était battu, une part importante de la nouvelle économie ne serait-elle pas exempte de la rémunération des créateurs?