Le recours à des armes artisanales chimiques, biologiques, radiologiques ou même nucléaires fait fantasmer les apprentis jihadistes sur internet, mais les recettes qu'on y trouve vont du très sommaire au franchement ridicule, estiment des chercheurs internationaux.

Le recours à des armes artisanales chimiques, biologiques, radiologiques ou même nucléaires fait fantasmer les apprentis jihadistes sur internet, mais les recettes qu'on y trouve vont du très sommaire au franchement ridicule, estiment des chercheurs internationaux.

Selon ces experts participant à la conférence sur «L'impact global du terrorisme», organisée à Herzliya près de Tel-Aviv par l'Institut international de contre-terrorisme, il y a peu de chances qu'un terroriste en herbe ne parvienne, à partir d'une recette trouvée sur la Toile, à faire de nombreuses victimes, provoquer des dégâts massifs ou déclencher une épidémie.

Mais les répercussions psychologiques et l'impact médiatique de leurs tentatives pourraient être disproportionnés.

Lors d'un des ateliers de la conférence, Anne Stenersen, chercheuse à l'Institut norvégien de recherches sur la Défense, a présenté une étude inédite qu'elle a consacrée aux «recettes chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires sur les sites internet islamistes».

«La menace que constituent ces informations disponibles en ligne a été exagérée» assure-t-elle à l'AFP. «Ce ne sont en aucun cas des recettes pour fabriquer des armes de destruction massive».

Constitués pour l'essentiel de compilations de littérature technique, de manuels de chimie ou de modes d'emploi mis en ligne sur certains sites spécialisés occidentaux dès les débuts d'internet, ce sont des vademecum «concrets, mais très basiques. Du genre "Comment enrichir de l'uranium dans votre cuisine"», poursuit Anne Stenersen.

Selon elle, les «forums occidentaux spécialisés par exemple dans la fabrication d'explosifs sont beaucoup plus sophistiqués, et donc plus dangereux».

Illustrant ces propos, elle montre plusieurs échanges qu'elle a, arabisante, traduits à partir de forums jihadistes:

- Pour fabriquer une «bombe sale» (radiologique): «Prenez le matériau radioactif et entourez le avec l'explosif que vous avez».

- Requête sur une arme biologique trouvée sur le forum «Al-Firdaws»: «Notre frère moudjahidine, sommes nous capables de fabriquer cela avec un équipement simple et des susbtances disponibles? Cela va-t-il contaminer la personne qui la fabrique? S'il te plaît, emploie des termes très simples, car nous ne sommes pas formés à la biologie».

- Réponse à une demande de recette d'arme chimique, sur le même forum: «Mon frère, ne t'emballe pas. Ma suggestion est que tu choisisses une cible, que tu trouves son adresse. Tu écris une lettre menaçante, tu mets de la mort-aux-rats dans l'enveloppe et tu la postes. Un petit pas pour toi, mais un grand pas pour les musulmans».

Selon le Dr Maarten Nieuwenhuizen, des Pays-Bas, membre du programme scientifique de l'Otan, la fabrication de ce genre d'engin «n'est pas aussi facile que cela en a l'air. Nous avons essayé certaines recettes dans nos laboratoires: elles ne marchent presque jamais».

«Mais d'un autre côté, vous n'avez pas besoin de tuer beaucoup de monde: le moindre incident de ce genre pourrait causer des traumatismes profonds... Et il y a des myriades de possibilités».

Pour Ilja Bonsen, de l'institut privé hollandais TNO Defense, «il y a de bonnes recettes disponibles sur internet. Mais elles sont heureusement dissimulées au milieu de beaucoup de mauvaises. C'est tout de même dangereux, parce que le but du terrorisme n'est pas l'arme de destruction massive, mais plutôt de perturbation massive».

Dans ses recherches, Anne Stenersen a trouvé sur les sites jihadistes 10 manuels: six sur les armes chimiques, deux sur les biologiques, un sur les radiologiques et un, de 480 pages, sur le nucléaire.

«Mais son auteur n'est pas un scientifique», dit-elle. «Il a agrégé des documents épars. C'est au mieux très basique (...). Et puis, il explique aussi comment faire une bombe avec du radium et des termites... Mais c'est un document très populaire: il a été consulté 30 000 fois».