Quelles sont les forces et les faiblesses du commerce électronique de la musique et est-ce que la vente de disques au détail s'inscrit à présent dans cette voie?

Quelles sont les forces et les faiblesses du commerce électronique de la musique et est-ce que la vente de disques au détail s'inscrit à présent dans cette voie?

La vente de musique par Internet est un sujet complexe car il place en relation (parfois opposition) les attentes et les comportements des acheteurs, la protection des droits et des revenus des artistes et les revenus des intervenants (intermédiaires) commerciaux.

Le format MP3, le iPod et le iPhone bouleversent des habitudes bien établies de l'industrie. Par exemple, on apprenait dernièrement sur Technaute qu'Apple (iTunes Music Store) est déjà devenu le troisième plus gros vendeur de musique aux États-Unis, dernière Wal-Mart et Best Buy et devant Amazon.com (Voir article). Au Québec, on retrouve des sites comme Ziq.ca ou Palmares.ca qui permettent l'achat en ligne de produits musicaux.

Le lancement de iPhone offrant la possibilité de télécharger de la musique sur un «téléphone intelligent» devrait selon plusieurs, stimuler le marché de la «musique mobile» ou de l'écoute de la musique par l'entremise de téléphones cellulaires, intelligents, lecteurs MP3 / iPod ou autres. En réaction au iPhone (et à l'accès qu'il permettra à iTunes), les grands distributeurs de musique (Sony BMG, EMI Universal et Warner) lancent avec une trentaine d'opérateurs de réseau cellulaire et les principaux manufacturiers de téléphones cellulaires (Samsung, Sony Ericsson, Nokia et Motorola) un service disponible à travers le monde qui s'appellera MusicStation (Voir article).

Le marché mondial de la musique

Les revenus générés par la musique – tous formats confondus (disques-cassettes-vidéo DVD-CD, Internet P2P, mobile, droits de diffusion), toutes sources de revenus (musique ‘enregistrée', spectacles, royautés, édition) correspondent à environ 61,5 milliards de $ (US) en 2007 et devraient augmenter en moyenne de 2,2% par année pour atteindre en 2011, environ 67,6 milliards de $ (Global Music : Turning into new opportunities, eMarketer, May 2007).

Les performances «live» – les spectacles – génèrent environ 35% des revenus et la musique «enregistrée» amènent environ 51% des revenus de l'industrie. L'édition et la commandite génèrent le reste des revenus.

Les ventes sous format CD sont en forte baisse. Ils occuperaient aujourd'hui environ 55% du marché des ventes de musique «enregistrée»; en 2011, son poids passerait à 29% seulement. La vente par Internet passerait de 5% environ des ventes (en $) à 22% en 2011. Ce chambardement profond des proportions forcent maintenant certains producteurs et gérants d'artistes à voir le CD maintenant comme un outil de promotion, rôle que jouaient, il y a encore peu de temps, les tournées de spectacles. En fait, avec les téléchargements (légaux ou non), certains artistes voient maintenant les trois quarts de leurs revenus provenir de tournées avec les produits dérivés et de «merchandising» (étude de LiveNation pour JP Morgan et entrevue dans le NYT en 2004 de Frances Preston, présidente de US Performing Right Organization BMI)!

Les ventes mondiales par format démontrent également la baisse des formats «physiques» au cours des prochaines années. Ceux-ci entre aujourd'hui et 2011 baisseront de 35%; les ventes en ligne tripleront ou presque et les ventes de musique mobile seront multipliées par sept.

Les téléchargements illégaux demeurent difficiles à établir. Une étude par the Yankee Group par contre tend à démontrer que la proportion de ménages américains téléchargeant illégalement est passée de 70% à 38% entre 2003 et 2005 (la baisse pourrait être plus importante que le % indiqué, car on pourrait penser que bien des gens ne mentionneraient pas, même à un gentil sondeur, qu'ils font des activités illégales!). Les ventes faites de façon légale seraient passées de 37% des ménages à 57%. L'offre de iTunes à 0,99$ par pièce téléchargée aurait amené graduellement les gens vers un marché légal. Les gens (États-Unis) jugent ce prix comme acceptable ou peu cher dans une proportion de 70%.

Il est aussi prévue par l'industrie (enquête de JupiterResearch) que l'abandon des «DRM» («Digital Rights Management») favoriserait une expansion plus forte encore des téléchargements légaux. En effet, EMI a décidé récemment d'offrir le téléchargement de chansons de certains artistes à 1,29$ (iTunes Plus d'Apple) mais sans restriction au niveau du nombre d'appareils (PC, iPod, MP3 autre, iPhone, téléphone cellulaire) sur lesquels la chanson peut être sauvegardée (Voir article).

La lutte contre les téléchargements illégaux se poursuit sur d'autres fronts. En effet, Warner Music et Sony BMG viennent de lancer un site de musique digitale en Russie (Voir article) pour contrecarrer les effets de la fraude.

La musique «mobile» (téléphones cellulaires ou intelligents, iPod ou similaires, etc.), bien que ne représentant pas l'eldorado escompté, permettra à l'industrie de bénéficier de nouveaux supports, dont le fameux iPhone. Les revenus (en $ US) passeraient de 850 millions de $ à 7,3 milliards de $ entre 2007 et 2011, sur une base mondiale (Mobile Music : mixing it up, eMarketer, May 2007.). Les sommes demeurent assez faibles (vs un marché total de 67,5 milliards de $) mais la croissance est substantielle. Phénomène intéressant, reflétant les disparités culturelles, les ventes de musique mobile correspondent à 90% revenus de musique électronique au Japon; 50% en Europe et à peine 16% aux États-Unis.

On remarque donc que le phénomène de transfert du support physique (principalement CD) au support électronique (Internet, mobile) est évident. Quelques phénomènes (abandon du «DRM», la musique mobile) permettront espérons-le de réduire le téléchargement illégal.

Est-ce la fin du support physique – du CD?

La baisse est marquée et marquante. Mais une étude de Greenfield Online, une agence de sondage en ligne, tend à démontrer que près des 2/3 des utilisateurs d'Internet aux États-Unis continuent d'acheter des CD de détaillants. Selon les mêmes études, quatre sur dix téléchargent de la musique de site Internet.

On comprend par contre, comme l'indiquent les chiffres précédents que l'érosion va se poursuivre.

Est-ce que les téléchargements légaux gagnent face aux téléchargements illégaux?

Les défis de la copie et de l'échange de musique P2P («peer-to-peer» ou personne à personne) demeurent. Mais pour 2006, l'agence de recherche marketing NPD nous informe que le nombre de foyers américains faisant des téléchargements légaux augmentent plus rapidement que le nombre de foyers faisant des téléchargements illégaux. Par contre, la croissance du nombre de fichiers (chansons) téléchargées par les gens faisant des téléchargements illégaux est beaucoup plus rapide que ce que l'on retrouve dans un contexte légal.

Pour l'industrie, il s'agit donc d'une bonne nouvelle – moins de gens commettent un acte illégal et d'une mauvaise nouvelle – les «illégaux» sont plus actifs dans leurs activités de téléchargements

(Voir communiqué de presse).

Avantages et inconvénients du commerce électronique en musique

Les avantages pour le consommateur sont évidents en termes de disponibilité - d'accès, de possibilité maintenant de «transporter» une chanson d'un appareil à un autre, de sélection de pièces et de coûts.

Pour les artistes, la plus grande disponibilité et de visibilité peut représenter des avantages, surtout pour les artistes moins connus. Pour les intermédiaires (distributeurs, disquaires), ce nouveau phénomène amène nécessairement une redéfinition de leur offre en magasin ou sur Internet.

Le grand inconvénient de la musique en ligne, essentiellement à cause des téléchargements sont illégaux, touche l'ensemble des activités liées à la création, au développement ou à la R&D. Il correspond au non-respect de la propriété intellectuelle et de la création, artistique ou autre (par exemple dans le cas similaire de logiciels piratés). En fait, il s'agit essentiellement d'une activité illégale et des recours légaux aux États-Unis ont déjà été pris contre des individus téléchargeant de la musique à partir de site Internet.

Mais en plus d'une solution légale ou technologique à l'activité, il doit absolument avoir une prise de conscience de la part des usagers que la création, peu importe son type et la diffusion de cette création doivent se réaliser dans un environnement qui ne pénalise pas les créateurs, qui ne rendent pas inutiles leurs efforts de création et qui ne rendent pas les investissements en R&D, innovation ou création improductifs.