Sandrine Alexandre ne se fera plus de mauvais sang relativement aux allées et venues de son fils de 9 ans.

Sandrine Alexandre ne se fera plus de mauvais sang relativement aux allées et venues de son fils de 9 ans.

Depuis quelques semaines, il se balade en tout temps avec un Kiditel dans son cartable. L'appareil, de la taille d'un paquet de cigarettes, permet aux parents de l'enfant de le localiser où qu'il soit en consultant un site internet et de le joindre immédiatement s'il presse un bouton émettant un signal d'urgence.

Le système de localisation par satellite (GPS) permet d'éviter bien des contretemps et des inquiétudes, souligne la mère de 40 ans, qui travaille comme contrôleuse de gestion dans une entreprise de la région parisienne.

« Je demeure souvent au bureau jusqu'à 19h ou 20h. Désormais, je pourrai vérifier facilement à 17h si mon garçon est bien rentré à la maison et travailler l'esprit en paix », indique Mme Alexandre, qui entend permettre dès la rentrée de septembre à son enfant de rentrer seul de l'école.

La technologie de localisation permettra, se félicite-t-elle, de veiller sur sa sécurité sans pour autant empiéter sur sa liberté. « Je lui fais confiance. S'il me dit qu'il est chez un ami, je ne vais pas me servir du Kiditel pour vérifier », souligne la mère, qui a commencé à utiliser le service il y a quelques semaines. Elle n'est pas la seule à avoir craqué au dire de la compagnie parisienne commercialisant le Kiditel, CarTelematics, spécialisée d'abord dans la localisation de flottes de véhicules.

« On a eu une demande beaucoup plus forte que prévue », souligne la porte-parole de l'entreprise, Audrey Hadjeje, en relevant que le produit est actuellement en rupture de stock.

Cet engouement s'explique par la volonté de parents inquiets de garder un œil sur leurs enfants durant leurs déplacements, estime Mme Hadjeje, qui refuse de dire combien d'appareils ont été vendus.

Des inquiétudes

Deux organisations gouvernementales françaises ont critiqué CarTelematics à la suite de l'annonce de lancement du Kiditel, en soulignant que l'exposition prolongée à des ondes électromagnétiques pouvait poser un risque pour la santé des enfants. Une affirmation rejetée par l'entreprise, qui se dit largement en-deçà des normes d'émission fixées par l'Union européenne.

Il s'est aussi attiré les critiques des défenseurs des libertés individuelles, qui s'inquiètent de l'idée de voir des bambins suivis à la trace par leurs parents, une pratique en expansion dans plusieurs pays occidentaux.

Le président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), Alex Türk, s'inquiétait la semaine dernière dans une entrevue au quotidien Libération de « l'endormissement » de ses concitoyens face à ce type de technologie.

« Lorsqu'on ne s'étonne plus du traçage, de la vidéosurveillance ou de la conservation de données, c'est justement le signal qu'on est entré dans un monde orwellien », déplore M. Türk, qui insiste sur la nécessité de préserver « des plages de liberté » pour les enfants.

« C'est comme cela qu'on apprend à grandir et qu'on apprend à se débrouiller », dit-il.

Le Comité consultatif national d'éthique s'inquiète aussi, dans un récent rapport, de la multiplication de technologies aboutissant à une « mise sous surveillance constante de la liberté d'aller et venir ».

Au bout du compte, « chacun accepte finalement et même avec quelque indifférence d'être fiché, observé, repéré, tracé sans souvent même en avoir conscience », s'inquiète l'organisation, qui demande « quel est le prix à payer pour rendre la société plus sûre? ».

Une envolée au ton alarmiste qui ne cadre pas du tout avec le point de vue de Mme Alexandre sur le Kiditel.

« Je ne veux pas fliquer mon garçon. Ce n'est pas du tout pour le surveiller mais au contraire pour lui donner plus de libertés... Et pour me sécuriser moi », dit-elle.

Même son de cloche de Mme Hadjeje, qui fait peu de cas des réserves de la CNIL ou du Comité consultatif national d'éthique.

« Il faut vivre avec son temps. Au XXIe siècle, on a la chance d'avoir de nouvelles technologies. Il faut les utiliser », dit-elle.