Combien gagne votre patron? Votre voisin est-il aussi riche qu'il le dit? Le petit ami de votre fille est-il criblé de dettes?... Pour le savoir, les Suédois n'avaient jusqu'à présent qu'à consulter des sites Internet gratuitement et anonymement. Mais cet accès, jugé trop facile par certains, à des informations financières personnelles est désormais limité pour protéger la vie privée.

Combien gagne votre patron? Votre voisin est-il aussi riche qu'il le dit? Le petit ami de votre fille est-il criblé de dettes?... Pour le savoir, les Suédois n'avaient jusqu'à présent qu'à consulter des sites Internet gratuitement et anonymement. Mais cet accès, jugé trop facile par certains, à des informations financières personnelles est désormais limité pour protéger la vie privée.

Face au mécontentement de l'opinion et à la pression des autorités, les propriétaires de sites dévoilant ce type d'informations ont accepté la semaine dernière de modifier un service permettant aux Suédois de connaître gratuitement et anonymement les finances de leurs concitoyens.

«Votre voisin sait combien vous gagnez, votre beau-frère sait combien vous gagnez et les gens autour de vous peuvent savoir si vous avez des dettes», souligne Hans Karnlof, avocat du Conseil suédois d'inspection des données (DIB). «C'est un peu embarrassant.»

Connaître en ligne l'état des finances du contribuable lambda est devenu un passe-temps populaire en Suède après que le site Ratsit.se a commencé à publier gratuitement en novembre des informations provenant des services fiscaux. Le site compte quelque 610 000 utilisateurs enregistrés, dans un pays de neuf millions d'habitants.

Ce service donnait jusqu'ici accès à des informations financières à caractère privé simplement en tapant le nom d'une personne et en cliquant sur «chercher». Estimant que l'objectif louable des lois sur la transparence en Suède avait été dévoyé, les autorités ont fait pression pour que Ratsit et d'autres sites similaires imposent des restrictions.

Désormais, les informations personnelles sur les revenus et les dettes ne sont accessibles que moyennant le paiement de 15 couronnes suédoises (2,28$ CA) pour 10 requêtes par semaine, toute requête supplémentaire étant facturée 25 couronnes (3,80$ CA).

En outre, ces informations ne peuvent plus être obtenues anonymement: les personnes dont les données financières ont été vues par un internaute seront averties par courriel de l'identité de celui-ci. Pour une information plus complète sur les finances et les biens d'une personne, la recherche revient à 49 couronnes (5,20 euros).

«Je pense que notre service est justifié parce que des choses comme les salaires doivent être transparentes», déclare Anders Johansson, directeur général de Ratsit. «Beaucoup de gens l'utilisent pour négocier leur salaire.» Les employeurs y ont également recours pour déterminer si la personne qu'ils envisagent d'embaucher est endettée, ajoute-t-il.

Le principe de la transparence est profondément enraciné dans la société suédoise. La première loi sur la liberté de l'information en 1766 visait à donner aux citoyens un droit de regard sur les affaires du gouvernement. Ces droits ont été progressivement élargis et les Suédois disposent aujourd'hui d'un accès libre à presque tous les documents de l'Etat concernant la population.

Une vrai mine d'or pour les journalistes, qui peuvent passer au crible les déclarations fiscales pour obtenir des informations sur des personnages publics. Mais le citoyen ordinaire est habituellement beaucoup plus hésitant à se rendre à l'administration des impôts pour demander des informations sur ses voisins. L'obstacle a désormais disparu avec Internet.

De nombreux Suédois n'ont cependant guère apprécié que des données financières personnelles les concernant aient été si facilement accessibles. Le DIB a reçu «une avalanche» de plaintes fin 2006 émanant de personnes estimant que les demandes d'informations sur le Web étaient abusives, souligne Me Karnlof. «Ce type d'accès aux informations financières n'existe pas dans d'autres pays. Les visiteurs que nous recevons d'Irlande et d'Allemagne par exemple sont effarés lorsqu'on leur en parle», ajoute-t-il.

Avant l'entrée en vigueur des nouvelles restrictions le 11 juin, Ratsit a connu une forte hausse de fréquentation. Plus de deux millions de demandes d'informations sur les finances de contribuables ont été recensées par le site les deux semaines précédentes, selon M. Johansson.