Une fois passé la porte en forme de ballon de plage, on trouve au Baja Beach Club des planches de surf, des palmiers artificiels, des serveuses en bikini, des barmans adeptes de bodybuilding et... des puces.

Une fois passé la porte en forme de ballon de plage, on trouve au Baja Beach Club des planches de surf, des palmiers artificiels, des serveuses en bikini, des barmans adeptes de bodybuilding et... des puces.

Elles ne se cachent pas dans le sable de cette grande discothèque d'inspiration tropicale de Rotterdam, aux Pays-Bas, mais plutôt dans le bras de certains habitués qui ont choisi de se faire implanter un discret dispositif de la taille d'un grain de riz utilisant la technologie d'identification par radiofréquence RFID.

Il leur permet d'être reconnus automatiquement à l'entrée et de payer leurs consommations sans avoir à sortir leur carte bancaire ou leur argent. Les serveuses passent un appareil de lecture à proximité du bras du client et le numéro d'identification ainsi obtenu est entré dans un ordinateur pour accéder à son dossier et débiter son compte.

« Je suis une personne qui aime avoir des choses que les autres personnes n'ont pas », explique Arno Gerbscheid, jeune homme de 34 ans qui fut l'une des premières personnes à recevoir la puce en question.

Elle est introduite sous la peau par injection et demeure invisible par la suite. « Les réactions sont très variées quand les gens apprennent que j'ai une puce comme ça. Certains veulent savoir de quoi il s'agit exactement, d'autres pensent que c'est complètement fou », souligne M. Gerbscheid, qui ne s'émeut pas outre mesure de sa décision.

« J'ai aussi deux vis chirurgicales dans un genou. Ce n'est pas très différent », affirme-t-il.

L'un des propriétaires de l'établissement, Jo Van Galen, affirme que l'idée leur est venue alors qu'ils cherchaient une façon originale d'identifier les clients voulant se doter d'un statut de VIP.

« Ces puces sont obligatoires aux Pays-Bas pour permettre d'identifier les animaux égarés. On s'est dit : " Pourquoi ne pas installer une puce comme pour les chiens? " On a ri d'abord mais l'idée a fini par faire son chemin », relate-t-il.

Le gouvernement lui-même s'est penché sur la question avant de finalement donné son aval au bar, qui a fourni en deux ans des puces à 70 clients et plus d'une trentaine de ses employés. Chaque client a accepté de payer 1000 euros pour subir l'intervention, qui est pratiquée par un médecin, avant de recevoir un crédit de 1500 euros au bar.

L'idée a fait sensation dès le premier jour, souligne M. Van Galen, qui dit avoir reçu des journalistes des quatre coins du monde. « Nous n'avons jamais imaginé que ça aurait un tel écho », souligne l'entrepreneur de 44 ans.

Réticences

L'usage de la technologie RFID est en pleine expansion en Europe, où elle est surtout utilisée pour l'heure afin d'étiqueter des produits et faciliter la gestion des stocks. On estime que le nombre d'étiquettes de ce type en circulation, qui était de l'ordre de 600 millions en 2005, va être multiplié par 450 d'ici 10 ans.

Bien que l'implantation chez l'être humain demeure marginal, les applications ne cessent de se diversifier. En Grande-Bretagne, une petite municipalité s'est récemment attiré les foudres de la population en installant dans les poubelles roulantes des puces permettant de préciser le poids des déchets générés. La Norvège expérimente avec un réfrigérateur « intelligent » qui enregistre l'entrée et sortie des aliments.

En France, la Commission nationale informatique et libertés a fait une mise en garde sur l'usage de la technologie RFID, relevant qu'elles pouvaient potentiellement permettre « le profilage » de la population.

La Commission européenne a lancé pour sa part en 2006 une vaste consultation publique sur le sujet. La moitié des participants ont indiqué qu'ils jugeaient nécessaires de resserrer les lois pour mieux protéger la vie privée et les données personnelles.

Jo Van Galen, lui, lève les yeux au ciel lorsqu'on lui parle des dérives possibles. « Personne ne semble faire confiance à la technologie... Moi, je veux l'utiliser à des fins plus ludiques », souligne le propriétaire du Baja Beach Club, qui promet l'ouverture prochaine d'une nouvelle salle où les puces des clients permettront d'activer à distance divers systèmes de son et de lumière.

Il ne doute pas pour autant que l'usage de telles puces soit appelé à se généraliser. « D'ici 10 ou 15 ans, tout le monde en recevra une dans le cou à la naissance », souligne le coloré personnage, en mimant une injection avec ses doigts.