«La production multimédia peut m'être non seulement viable mais encore m'apparaît-elle beaucoup plus profitable que si j'avais suivi le modèle de la télévision», soutient le créateur et producteur indépendant Michel Beaudet, désormais célèbre pour avoir conçu Les Têtes à claques, grand succès québécois sur Internet.

«La production multimédia peut m'être non seulement viable mais encore m'apparaît-elle beaucoup plus profitable que si j'avais suivi le modèle de la télévision», soutient le créateur et producteur indépendant Michel Beaudet, désormais célèbre pour avoir conçu Les Têtes à claques, grand succès québécois sur Internet.

Interviewé jeudi à l'occasion d'une rencontre sur la production indépendante organisée par l'Alliance Numériq, Michel Beaudet est loin d'être le seul créateur numérique à penser ainsi. D'aucuns sont convaincus que nous traversons les dernières phases de la télévision traditionnelle telle qu'on l'a connue depuis des lustres. La fidélité au médium ne cesse de décliner au profit d'Internet et des médias numériques connexes, du baladeur numérique au téléphone portable désormais pourvu d'un écran. Les nouveaux producteurs numériques s'en réjouissent.

«Quand on sait que le dollar publicitaire va continuer d'augmenter sur Internet, que GM a acheté de la publicité pour deux millions de pages vues des Têtes à claques, on sait aussi que cet argent va dans nos poches. Pas à Radio-Canada ni à TVA. Autre exemple ? Les Têtes à claques ont largement dépassé les projections de Bell, qui les diffuse. Chaque clip des Tête à claques est visionné en moyenne de 1,5 millions à 2 millions de fois par semaine. Nous avons le contrôle complet de notre marque, nous allons développer nos produits dérivés, il y aura des Têtes à claques 3.0, 4.0.» affirme fièrement Michel Beaudet.

Dominique-Sébastien Forest, directeur des contenus numériques du portail Canoe chez Quebecor Media, n'est pas inquiet pour les producteurs audiovisuels à l'ère numérique. Il prévoit une évolution très rapide de cette nouvelle communauté de producteurs audiovisuels.

«Avec l'augmentation très rapide du volume publicitaire, je crois au partage des revenus sur les nouvelles plateformes. Mes projections de revenus publicitaires me permettent de croire que ce partage sera très raisonnable pour les producteurs d'ici trois ou quatre ans. Aux États-Unis, les revenus publicitaires des sites d'hébergement vidéo (You Tube, MySpace, etc.) seront de 640 millions US en 2007. Au Canada, ce sera 10 millions. C'est encore trop peu.»

«Je suis content d'avoir réussi sans demander quoi que ce soit à personne. Mais si un jour je veux produire une série plus lourde, je ne me gênerai pas pour demander de l'argent aux institutions gouvernementales», affirme pour sa part Michel Beaudet, vedette québécoise de l'heure sur Internet. Inutile d'ajouter que les réseaux de télé seront tout ouïe à ses demandes, comme ils seront intéressés à tous les succès confirmés sur Internet. Pour les autres producteurs indépendants, toutefois, créer des contenus audiovisuels numérisés demeure une aventure risquée et peu rentable: ou bien on a une bonne idée pas chère qui se répand sur la Toile, ou bien on fait face à un sous-financement chronique.

Prenons le cas du producteur Guillaume Aniorté, propriétaire de Tribal Nova, entreprise spécialisée dans les contenus numériques pour enfants.

Pour Aniorté, le financement de ses environnements numériques fait problème : «Nous avons accès à des fonds de Téléfilm Canada, à des fonds privés (Bell, Telus, Quebecor, etc.), mais cela n'a rien de comparable avec la télé traditionnelle. On évolue dans un marché encore paramétré dans un contexte de production télévisuelle, marché où le financement passe par la télévision. Cette structure de financement est devenue archaïque. Si on occulte les autres formes de médias qui ne cessent de gagner de la popularité auprès des jeunes, on laisse ce champ vide. Que feront alors les jeunes ? Ils téléchargeront des contenus pirates ou étrangers, ils iront vers des sites qui offrent de nouvelles formes.»

Désormais un des plus importants sites québécois de webTV, 33mag.com est spécialisé en culture urbaine : skate, snowboard, arts urbains, musiques émergentes. Julien Roussin Côté en est le fondateur en plus d'en être l'éditeur et le responsable du marketing.

«On aimerait quand même accéder à la télévision traditionnelle mais on n'attend pas qu'elle nous accepte, dit-t-il. Sauf quelques aides de fonds privés et publics, nous avons surtout produit en sortant l'argent de nos poches. Maintenant, les revenus publicitaires ne cessent d'augmenter...» Ce qui n'empêche pas le jeune entrepreneur 33mag de souhaiter un meilleur accès aux fonds publics.

Aussi prometteuse soit-elle sur la Toile, la pub ne réglera pas le sort des contenus qui ont plus à voir avec la culture qu'avec le marché. «Pour les contenus numériques de qualité qui dépendent des structures de financement étatique, c'est beaucoup plus problématique», croit Monique Savoie, fondatrice de la Société des arts technologiques (SAT).

«Si tous les programmes de financement sont destinés aux diffuseurs traditionnels et non à ceux qui prévoient les créer et les diffuser sur les nouvelles plateformes, on peut manquer le bateau. Il faut en ce sens que soit créé un fond public pour les productions numériques, de façon à assurer la création de contenus de qualité.»