L'actualité en témoigne : la création d'emplois dans le secteur des TIC est particulièrement soutenue en ce moment, à un point tel qu'une pénurie de main-d'oeuvre, que l'on appréhendait pour 2008-2010, arrive plus tôt que prévu. Elle serait même déjà commencée.

L'actualité en témoigne : la création d'emplois dans le secteur des TIC est particulièrement soutenue en ce moment, à un point tel qu'une pénurie de main-d'oeuvre, que l'on appréhendait pour 2008-2010, arrive plus tôt que prévu. Elle serait même déjà commencée.

C'est ce que croit Sylvain Angers, coordonnateur du département des techniques de l'informatique au Collège Rosemont, à Montréal.

«Depuis (les déboires de) Nortel en 2002, les jeunes sont sous l'impression qu'il n'y a plus d'emplois en informatique, mais ce n'est pas le cas», dit-il.

La semaine dernière seulement, deux nouvelles ont confirmé les propos de M. Angers. CGI, un poids lourd des TIC au Québec, annonçait son intention de doubler ses effectifs d'ici cinq ans. De façon plus modeste, mais dans la même optique, Ubisoft Montréal prévoit aussi ajouter mille professionnels du multimédia à ses quelque 1500 employés actuels.

À l'échelle canadienne, ce sont pas moins de 89000 emplois qui seront offerts aux nouveaux travailleurs des TIC, d'ici 2010, dont plus de 17 000 au Québec. Du lot, près des deux tiers seront de nouveaux emplois, le reste étant l'effet du départ des travailleurs actuels à la retraite, notamment.

D'un point de vue économique, les nouvelles sont donc excellentes. Du point de vue des nouveaux diplômés aussi, évidemment. Ce sont plutôt les institutions d'enseignement qui commencent à lancer des signaux d'alarme, constatant que la relève est de plus en plus mince.

Le cas du Collège Rosemont en fait foi. En 1998, plus de 270 élèves étaient inscrits dans le département d'informatique de l'établissement scolaire. Cette année, il n'y a que deux groupes, qui comprennent 22 élèves chacun. C'est toute une dégringolade, même si, affirme M. Angers, le Collège montréalais s'en tire mieux que d'autres, qui ont carrément dû mettre fin à leurs programmes par manque de popularité.

«On s'attendait à ce que ça se produise éventuellement, après 2008, mais la crise est déjà amorcée», résume Sylvain Angers.

À tous les niveaux

Il n'y a pas que les travailleurs spécialisés dans les TIC qui manquent. Les dirigeants d'entreprises québécois pourraient aussi devenir beaucoup plus rares, si l'on en croit le président de Desjardins Capital de risque, Louis Roquet.

Lors d'un discours devant la chambre de commerce de Montréal le mois dernier, le président de Desjardins Capital de risque, Louis Roquet, évaluait que 40% de l'économie de la province risque de changer de mains au cours des 10 prochaines années, uniquement en raison de l'âge avancé de nombreux entrepreneurs. Si c'est un phénomène unique dans l'histoire du Québec, ce l'est également dans les autres pays industrialisés.

«Ça va créer un nombre important de transferts d'entreprises, ce qui peut être un problème, dit-il. Mais ça peut aussi être une occasion d'acquisitions afin d'accélérer la croissance de sa propre entreprise.»

Ce qui pourrait être une solution au problème, pense M. Roquet, car avec une main-d'oeuvre qui se raréfie, la concurrence entre les PME et les grandes entreprises pour les meilleurs talents est plus féroce.

«Il faut profiter du contexte pour consolider le marché, afin de créer de plus grandes entreprises qui auront les moyens d'acheter d'autres entreprises non seulement ici, mais aussi à l'étranger.»

Ça enlèverait du même coup une partie de la pression sur le nombre limité de travailleurs spécialisés. Dans le secteur du multimédia, le président de Desjardins Capital de risque laisse entendre que ça pourrait peut-être réduire l'effet de la fin des crédits d'impôt annoncée pour 2010, dont on parlait la semaine dernière. Un point sur lequel le porte-parole du Collège Rosemont semble d'accord, avec un bémol.

«La fin des crédits va libérer des travailleurs, mais il est trop tôt pour savoir quel impact ça aura réellement sur la disponibilité de la main-d'oeuvre», précise Sylvain Angers. De toute façon, si la crise est déjà commencée, 2010 doit paraître bien loin.