Les conservateurs ne seraient pas trop portés à protéger les consommateurs sur Internet.

Les conservateurs ne seraient pas trop portés à protéger les consommateurs sur Internet.

Des documents internes laissent croire que le gouvernement conservateur hésite à imposer des normes de protection des consommateurs pour internet parce qu'il préfère protéger la concurrence des entreprises qui offrent l'accès à la grande toile.

Selon les documents obtenus par la Presse Canadienne, des conseillers du ministre de l'Industrie Maxime Bernier - qui a par le passé favorisé une approche de type «le client d'abord» - étudient soigneusement les arguments des grandes sociétés de télécommunications comme Vidéotron et Telus contre toute loi sur la «neutralité du net» («Net neutrality»).

La «neutralité du net» vise à s'assurer que le public peut accéder au plus petit des blogues tout aussi rapidement qu'au plus grand des sites internet des grandes sociétés. Elle empêche les géants des télécommunications de s'assurer que les pages corporatives des entreprises qui les paient se téléchargent plus rapidement que les autres.

M. Bernier s'intéresse depuis presque un an à un rapport du Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications du gouvernement fédéral. Ce rapport recommande des changements à la Loi sur les télécommunications, notamment le remplacement d'une clause de «discrimination injuste», qui ne fait pas-grand chose ni pour soutenir le principe de «neutralité du net», ni pour prévenir sa violation.

Or, un expert d'internet a estimé que les documents du ministre, obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, sont «partiaux».

«Ces documents révèlent qu'au Canada, le ministre de l'Industrie et son personnel ne semblent pas vouloir offrir aux usagers canadiens d'internet des protections semblables à celles offertes aux Etats-Unis», a indiqué mardi Michael Geist, professeur de droit à l'Université d'Ottawa.

«En fait, cette documentation ne serait pas inappropriée dans un document de lobbying des entreprises de télécommunications.»

Dans les documents d'information et les notes préparées pour la période de questions de M. Bernier, peu d'espace est accordé aux arguments en faveur de la «neutralité du net».

M. Bernier y est avisé que les grandes sociétés de télécommunications sont «déterminées à jouer un plus grand rôle dans la façon dont le contenu est livré dans internet» et qu'elles «croient qu'elles devraient jouer le rôle des gardiens du contenu, avec la liberté d'imposer des frais pour leur rôle».

Les documents évoquent le fait que la politique publique doit tenir compte de la protection et du choix des consommateurs, mais elle doit aussi «permettre aux forces du marché de continuer à donner forme à l'évolution de l'infrastructure d'internet, des investissements et de l'innovation dans la plus grande mesure possible».

Ce genre de commentaires trahit les véritables intentions du gouvernement à propos de la «neutralité du net», estime M. Geist.

«Le ministre et le ministère affirment garder un esprit ouvert à propos de la «neutralité du net» et disent qu'ils étudient les recommandations, mais il est clair, selon les documents, qu'ils n'ont pas l'intention d'adopter les recommandations du Groupe d'étude», a dit M. Geist.

Mais un porte-parole de Telus, Jim Johannsson, croit que les consommateurs canadiens n'ont rien à craindre et ne croit pas que la loi actuelle a besoin d'être remplacée par quelque chose de plus sévère.

«La loi existante n'a jamais été éprouvée, alors c'est un peu exagéré de dire qu'elle est inefficace, a estimé M. Johannsson. Si le besoin devait se faire sentir, le CRTC aurait le pouvoir de s'attaquer à tout problème.»

Le débat sur la «neutralité du net» fait rage aux Etats-Unis, mais reçoit encore peu d'attention au Canada, même s'il pourrait changer à jamais internet tel que nous le connaissons.

La «neutralité du net» est un tel enjeu aux Etats-Unis que la Commission fédérale des communications a été capable de convaincre AT&T d'accepter des dispositions en sa faveur pour que sa fusion avec BellSouth soit entérinée en décembre.

Les grands fournisseurs de contenu comme Google, Yahoo et Microsoft sont largement en faveur de la «neutralité du net», estimant que son abandon détruirait la nature libre et ouverte d'internet et créerait un réseau mené par l'argent, qui favoriserait les plus grandes entreprises au détriment du reste du monde.

Mais les géants des télécoms, ici et aux États-Unis, font valoir que le contrôle de la transmission de données dans internet leur permettrait de s'assurer de la qualité du service et encouragerait l'investissement dans les réseaux à large bande.