Isabelle Thibault se rappelle de son «bouffeur de DVD». Le jeune cinéphile ne pouvait passer une semaine sans s'acheter un nouveau film. La fin de son histoire n'est pas heureuse: il a fait faillite.

Isabelle Thibault se rappelle de son «bouffeur de DVD». Le jeune cinéphile ne pouvait passer une semaine sans s'acheter un nouveau film. La fin de son histoire n'est pas heureuse: il a fait faillite.

Il a trouvé de l'aide auprès de l'Association coopérative d'économie familiale (ACEF) du Sud- Ouest de Montréal, qui compte plusieurs consommateurs boulimiques parmi sa clientèle.

«Tout le monde a son dada, que ce soit les autos, les vêtements, la bouffe bio ou les produits techno», dit Isabelle Thibault, conseillère budgétaire à l'ACEF du Sud-Ouest de Montréal.

Au cours des dernières années, le budget techno de la jeune génération a explosé. «C'est le cas classique où l'offre conditionne la demande, dit Jean- François Ouellet, professeur de marketing à HEC Montréal. L'innovation technologique se fait plus rapidement que l'évolution de la demande. Les compagnies utilisent alors le marketing pour que les consommateurs achètent davantage.» Pour certains, les gadgets dernier cri sont une source de divertissement.

Pour d'autres, ils ressemblent davantage à une drogue dure. Une drogue rentable pour les sociétés spécialisées en produits technologiques, qui n'ont qu'à se séparer les parts du gâteau.

«Plusieurs de mes étudiants ont un cellulaire depuis l'adolescence, dit Jonathan Sterne, professeur de communications à l'Université McGill. Les sociétés de téléphonie n'ont plus besoin de les convaincre d'acheter un cellulaire. Ils doivent plutôt les convaincre d'acheter leur cellulaire. C'est pourquoi les campagnes de marketing se font autour de la marque et non du produit.»

Dans ce marché hautement concurrentiel, tous les moyens sont bons pour maintenir la dépendance des consommateurs. «Les nouveaux produits doivent donner la perception que les anciens sont obsolètes, dit le professeur Jean-François Ouellet.

C'est le concept de l'obsolescence planifiée. Les sociétés augmentent la puissance des batteries ou la capacité de stockage d'un lecteur MP3. Elles s'inspirent aussi de la mode pour donner l'impression que leurs vieux modèles sont dépassés. Les vêtements que j'ai achetés il y a 10 ans me font encore, mais je ne les porte plus. Apple a très bien utilisé le concept d'obsolescence de style en renouvelant le design de ses nouveaux iPod.»

Nouveau rythme de vie, nouveaux produits

Les changements technologiques ont donné un second souffle à bien des industries. Celle du divertissement et du cinéma a été bouleversée par l'arrivée des DVD. «Les horaires sont de moins en moins flexibles en Occident, dit le professeur Jean-François Ouellet. Les gens ne sont plus capables d'être devant leur téléviseur tous les jeudis à 20h.

«En ce sens, les DVD répondent à un nouveau besoin. Les séries télévisées sur DVD sont particulièrement populaires en raison de la relation avec l'artiste. Au Québec, on a notamment observé ce phénomène avec Un gars, une fille . Les téléspectateurs ont l'impression d'avoir une relation avec les personnages. Rater un épisode d'une série devient beaucoup plus grave que de rater un film.»

Aux États-Unis, les ventes de disques DVD ont été évaluées à 22 milliards de dollars en 2005. Elles= n'étaient que de 2,5 milliards en 2000. Mais la consommation a ses limites : les ventes de lecteurs DVD sont en baisse en Amérique du Nord depuis trois ans. En 2005, elles ont totalisé 15,9 milliards, comparativement à 24,1 milliards en 2003.

L'an dernier, le film le plus vendu en Amérique du Nord a été The Incredibles (17,3 millions de copies). Au Québec, une superproduction comme Harry Potter et la Coupe de feu se vend à 200 000 copies, estime Mathieu Daoust, rédacteur en chef du site Internet www.dvdenfrancais.com. Prisés par les Québécois, les spectacles d'humour trouvent entre 40000 et 50000 preneurs. Les ventes d'un film québécois à succès comme Bon Cop, Bad Cop atteignent entre 100 000 et 150000 copies.

Le DVD le plus attendu des lecteurs de cette chronique est sans contredit le coffret des 25 premiers épisodes de Passe-Partout, en vente à compter de mardi prochain. Les aventures de Passe-Carreau, Passe-Montagne, Cannelle, Pruneau et compagnie devraient s'écouler à 100 000 copies. Ça fait beaucoup de poussinots et de poussinettes.