Qui a dit que les jouets électroniques était la chasse gardée des hommes? Les femmes dépensent maintenant davantage que les hommes pour du matériel électronique. Et c'est quand elles ne jouent pas à l'arbitre: si elles n'aiment pas, ça ne rentre pas dans le salon!

Qui a dit que les jouets électroniques était la chasse gardée des hommes? Les femmes dépensent maintenant davantage que les hommes pour du matériel électronique. Et c'est quand elles ne jouent pas à l'arbitre: si elles n'aiment pas, ça ne rentre pas dans le salon!

Samedi matin, dans la salle de montre d'une grande chaîne de magasins d'électronique, trois hommes sont assis dans des fauteuils et observent des écrans plasma aussi grands qu'un tableau de classe; l'ultime fantasme à portée de télécommande. On se croirait dans une taverne d'avant 1979 tant les femmes se font rares. Mais détrompez-vous, dans les temples du numérique, l'homme n'est plus roi.

S'il on en croit la Consumer Electronics Association (CEA), un organisme représentant plus de 2000 fabricants d'électronique, la fracture s'est produite en 2005: pour la première fois de l'histoire, les femmes ont dépensé cette année-là davantage que les hommes dans ce marché de 140 milliards.

Cette nouvelle donne a eu l'effet d'un électrochoc sur les fabricants et les commerçants d'électronique. Selon Business Week, la multinationale sud-coréenne Samsung a vu venir le coup. En 2003, après des années de marketing élaboré à l'aide de groupes de discussion exclusivement composés d'hommes, elle a décidé d'intégrer un nombre égal de femme à ses groupes. Résultat: des appareils plus légers et plus fins signés Samsung sont apparus sur le marché en 2005.

Cap sur la femme

Le géant de l'informatique Dell a aussi changé sa stratégie médiatique du tout au tout l'année dernière, inondant de publicités les magazines féminins, notamment O at Home, publié par Oprah Winfrey. Signe des temps, un écran géant et un ordinateur portable Dell sont aussi apparus dans le coquet décor de l'émission d'après-midi de Martha Stewart, sur NBC.

Voilà de quoi déboulonner le mythe voulant que les joujoux technos soient une chasse gardée des hommes. Et la débâcle de la gent masculine dans ce secteur de l'économie pourrait être encore pire que ne le laissent entendre les chiffres de la CEA. Car même quand c'est le mâle qui sort son portefeuille, la femme n'est jamais très loin derrière lui, témoigne Richard Petit, propriétaire de la boutique Kébec Son, spécialisée dans les système de cinéma maison haut de gamme.

«Encore aujourd'hui, c'est l'homme qui arrive chez nous avec le rêve d'acheter un système à cinq, 10 ou 15 000 dollars, affirme-t-il. Mais quand vient le temps de faire un choix, la femme a un gros mot à dire sur l'esthétique et la convivialité des appareils. Si c'est trop laid, ça ne rentre pas dans le salon.» Et tant mieux pour les fabricants: «Quand la femme s'en mêle, ça fait grimper la facture», constate M. Petit.

Cette influence indirecte des femmes dans le monde de l'électronique est si connue que les experts lui ont donné un nom : le WAF, pour Wife Acceptance Factor (facteur d'acceptation de l'épouse). «Dans les processus d'achat de marchandises technologiques, l'homme est généralement l'instigateur du besoin. Son désir est relié à un but ou à un objectif. La femme, elle, apporte certaines prescriptions, qui sont la plupart du temps reliées à l'harmonie sociale», résume Jean-François Ouellet, spécialiste du marketing des innovations à l'école des HEC.

Mais le WAF ne change pas pour autant la façon dont les produits technologiques sont conçus, précise le spécialiste. «Il est clair que les ingénieurs ont les hommes en tête lorsqu'ils les créent. Mais ils font maintenant de gros efforts pour les adapter aux besoins des femmes. Ils essaient de donner un rôle social aux objets qu'ils développent, en les transformant, par exemple, en objet très design, ou une fonction familiale.»

Même les consoles de jeux vidéo, traditionnellement pensées en fonction des hommes de 14 à 34 ans, sont touchées par le phénomène du WAF. L'année dernière, Microsoft, dont la toute première console lancée en 2001 ressemblait à un gros magnétoscope noir digne des années 80, a confié à des sculpteurs américains et japonais de renom le soin de réaliser les maquettes de sa nouvelle Xbox 360. Le but avoué: s'assurer que les femmes laissent entrer la console dans la salle de séjour. Mais ce souci esthétique visait aussi à attirer davantage de femmes dans l'univers vidéoludique.

Et comme c'est le cas pour les gadgets, les statistiques démontrent encore que les hommes sont en train de perdre leur position de force dans ce marché. Selon l'Entertainment Software Association, si on inclut le «casual gaming», ces petits jeux simples auxquels ont peut jouer sur Internet (Démineur, jeux de cartes, puzzles), les femmes comptent pour 38% des joueurs. Ce nombre chute considérablement dans les autres catégories de jeux. «Mais ce n'est qu'un début, croit Fiona Cherbak, porte-parole de l'organisme Women in Games International. Les femmes adorent les jeux en ligne massivement multijoueurs. Elles sont attirées par l'idée de se joindre à une communauté et à communiquer avec des pairs. Les développeurs le savent bien et comme les jeux coûtent de plus en plus cher à produire, ils font des pieds et des mains pour ajouter les femmes à leurs clients potentiels.»

«Dans cette optique, je n'ai aucun doute que des titres majeurs comme The World of Warcraft compteront bientôt autant de joueurs que de joueuses. Cela est inévitable, croit Mme Cherbak, parce qu'il n'y a pas une seule compagnie sur terre qui va cracher sur un marché représentant 50% de la population.»