Le vol d'identité et de renseignements personnels est devenu un tel fléau au pays qu'il risque de compromettre la croissance de la cyberéconomie, un secteur névralgique de l'économie canadienne, estiment les fonctionnaires du ministère de l'Industrie.

Le vol d'identité et de renseignements personnels est devenu un tel fléau au pays qu'il risque de compromettre la croissance de la cyberéconomie, un secteur névralgique de l'économie canadienne, estiment les fonctionnaires du ministère de l'Industrie.

La vente de biens et de services par Internet a augmenté de façon spectaculaire au cours des dernières années au pays, atteignant les 36,2 milliards de dollars en 2005- une augmentation de 100 % par rapport à l'année 2003 (18,1 milliards de dollars), selon les plus récentes données compilées par Statistique Canada. Les ventes publicitaires ont quant à elles dépassé les 500 millions de dollars en 2005, soit une hausse de 43 % par rapport à 2004, selon les chiffres de l'Interactive Advertising Bureau of Canada.

En outre, plus de Canadiens font aujourd'hui leurs transactions bancaires devant leur ordinateur (24,7 %) qu'à la banque (23,3 %), selon un sondage réalisé par la firme EKOS en 2005.

La croissance de la cyberéconomie est toutefois menacée par un phénomène qui prend de l'ampleur et mine la confiance des consommateurs: le vol d'identité et de renseignements personnels.

«Les technologies en constante évolution, le manque de précautions des entreprises pour protéger les informations personnelles de leur clientèle en ligne, l'insouciance des utilisateurs et le manque d'application des lois et des règles existantes représentent une menace à la vie privée et à la sécurité personnelle. Le vol d'identité sur Internet est devenu un problème important et coûteux», affirment les fonctionnaires du ministère de l'Industrie.

Les fonctionnaires lancent donc un cri d'alarme au ministre de l'Industrie, Maxime Bernier, dans le cahier d'information qu'ils lui ont remis en février dernier, au moment de l'arrivée au pouvoir des conservateurs. La Presse a récemment obtenu ce cahier d'information grâce à la Loi sur l'accès à l'information.

Dans ce cahier, les fonctionnaires expliquent que des escrocs multiplient les techniques pour soutirer des renseignements personnels aux utilisateurs d'Internet. Ils envoient des virus, des pourriels et des attaques aux logiciels (spyware attacks) pour arriver à leurs fins. Et ces escrocs ne sont pas nécessairement établis au Canada: ils sévissent un peu partout sur la planète grâce à la magie d'Internet. Il n'existe cependant pas d'entente de collaboration entre le Canada et ses principaux partenaires commerciaux pour lutter efficacement contre ce phénomène.

«Les nouvelles menaces, telles que les attaques aux logiciels, exploitent les failles actuelles pour recueillir des informations personnelles et envahir la vie privée. L'utilisation d'informations personnelles pour brasser des affaires sur Internet crée de nouvelles failles», écrivent les fonctionnaires.

Ils soulignent aussi qu'aux États-Unis les attaques visant à voler l'identité d'une personne frappent chaque mois un Américain sur quatre, selon une étude réalisée par la National Cyber Security Alliance (NCSA) publiée en décembre dernier.

La crainte de se faire voler des renseignements personnels, comme un numéro de carte de crédit, nuit manifestement au commerce électronique. Pas moins de 40% des Canadiens évitent d'acheter des biens ou des services par Internet pour des raisons de sécurité, selon une étude publiée en novembre dernier par l'Alliance canadienne contre le vol de logiciels.

Le vol d'identité est d'ailleurs le crime en plus forte progression au pays. L'an dernier, 11 231 vols d'identité ont été signalés au Canada, dont 2614 au Québec.

Le gouvernement de Paul Martin avait créé un groupe de travail pour recommander des moyens de lutter contre le fléau des pourriels et rendre plus sûre l'utilisation d'Internet.

Dans son rapport, remis en mai 2005, ce groupe de travail a fait 22 recommandations. Il proposait notamment de rendre illégal l'envoi de courriels commerciaux sans l'autorisation préalable du destinataire (pourriels) et d'interdire à un internaute d'avoir accès à distance à un ordinateur sans l'autorisation de son propriétaire.

Aucune de ces recommandations n'a encore été mise en oeuvre. L'ancienne présidente du Conseil du Trésor, Lucienne Robillard, avait déposé un projet de loi, mais il est mort au feuilleton après que le gouvernement Martin a été défait par les trois partis d'opposition, en novembre dernier.

Une porte-parole du ministre Bernier, Isabelle Fontaine, a indiqué que le ministre est en train d'étudier les recommandations du groupe de travail et que des mesures pour s'attaquer à ce problème seront bientôt annoncées.

«Nous sommes en train de préparer une stratégie. Nous sommes préoccupés par cette question et nous entendons donner suite aux recommandations du groupe de travail», a assuré Mme Fontaine.