Après Homo erectus et Homo sapiens, Homo numericus existe-t-il? Pour des sociologues, chercheurs et industriels, il est encore une construction imaginaire qui renvoie à de nouvelles pratiques culturelles et sociales bien réelles.

Après Homo erectus et Homo sapiens, Homo numericus existe-t-il? Pour des sociologues, chercheurs et industriels, il est encore une construction imaginaire qui renvoie à de nouvelles pratiques culturelles et sociales bien réelles.

L'Homme numérique «existe sans exister: c'est très largement un idéal inventé par l'industrie des télécoms et de la pub», explique Monique Dagnaud, chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).

Il renvoie à des pratiques culturelles réelles «mais ne les résume pas toutes», affirme-t-elle, en marge d'un colloque international sur les mutations du secteur culturel, réuni fin septembre à Paris par le CNRS.

Aujourd'hui, Homo mumericus ce pourrait être, selon cette sociologue, l'internaute, mobile avec son portable ou sédentaire devant son PC, qui est à la fois consommateur et producteur de contenus en réseau. Il surfe sur des sites marchands ou gratuits, d'enchères et de téléchargement, et peut en même temps communiquer sur des blogs, vlogs, chats et messagerie directes ou postées.

Au cours de la décennie 1996-2006, la France a connu un véritable boom de la culture en réseau et le nombre de foyers français connectés à internet a été multiplié par 100, pour atteindre près de 10 millions, selon une étude de Médiamétrie.

Mais Monique Dagnaud ne croit pas à l'idée d'un homme nouveau qui s'éloignerait des médias de masse pour se recentrer exclusivement sur le monde des réseaux, sonnant ainsi le glas du papier, du cinéma, et de la télé.

On s'aperçoit, dit-elle, que les individus regardent de plus en plus la télévision: en France, le temps d'écoute de la télévision a augmenté de trente minutes par jour entre 1996 et 2006.

Les statistiques du Centre national du cinéma (CNC) et du Syndicat national de l'édition (SNE), illustrent elles aussi cette résistance à la culture en réseau, avec une progression de 12,5% des entrées en salle sur les sept premiers mois de 2006 et un bond de près de 11% des ventes de livres de poche en 2005.

Pour les industriels, Homo numericus, objectif de leurs nouvelles stratégies, serait un individu connecté en permanence, en toute mobilité.

«L'Homme numérique c'est moi!», annonce, sans y croire, Xavier des Horts, directeur de la communication de Nokia France, contacté sur le fixe de son bureau parisien.

Il répond en direct de New York sur son «multimedia computer» (MC), un boîtier de 120 grammes, de 99 mm de long et 53 mm de large, sur lequel il peut «surfer, regarder la télévision, lire les journaux français sur internet, récupérer (ses mails), envoyer photos ou vidéos de (son) voyage à (ses) enfants, et (se) repérer dans New York grâce au logiciel de navigation cartographique de son MC, tout en écoutant (ses) chansons préférées».

«Mais il faut savoir décrocher», dit-il. Il confie avoir pris son petit déjeuner en lisant USA Today sur papier, emporté un livre pour son voyage de retour, et préférer le meccano avec son fils aux jeux vidéo.

La convergence numérique totale (quadruple play) sur un seul support entre téléphone fixe, télévision, internet et mobile, nouvel eldorado pour les équipementiers et opérateur des télécoms, pourrait être «un grand pas vers l'homme numérique parfait», estime Hadmut Holken.

«Encore faut-il que les utilisateurs fassent systématiquement le choix de le franchir», conclut, dubitative, cette directrice d'un cabinet d'analyse de marché spécialisé dans les télécoms.