Une autre tour s'est effondrée aux États-Unis. Rien à voir avec le terrorisme... peut-être un peu à voir avec le piratage: le premier supermarché du disque de l'histoire de la musique, Tower Records, s'est placé la semaine dernière sous la protection de la loi régissant les faillites chez nos voisins du Sud.

Une autre tour s'est effondrée aux États-Unis. Rien à voir avec le terrorisme... peut-être un peu à voir avec le piratage: le premier supermarché du disque de l'histoire de la musique, Tower Records, s'est placé la semaine dernière sous la protection de la loi régissant les faillites chez nos voisins du Sud.

Affaiblie par le déclin du marché «physique» de la musique, l'entreprise américaine est de facto aux premières loges de la crise du CD. On apprenait par ailleurs que la revente de Tower Records est espérée par ses dirigeants. Le 22 août dernier, MTS Inc., dont Tower est la filiale, a indiqué publiquement que deux offres de rachat étaient étudiées. On estime la valeur des actifs du fameux détaillant à plus de 10 millions de dollars américains, une somme proche de celle de ses dettes. Avec un siège social en Californie depuis 1960, Tower Records compte 93 succursales et plus de 3000 employés.

Comment, au fait, une chaîne de magasins aussi puissante et aussi prestigieuse, de surcroît initiatrice du concept de supermarché musical, en arrive-t-elle à une situation semblable.

Bien sûr, la dématérialisation de la musique, largement diffusée sur Internet légalement ou illégalement est la première cause de ce déclin annoncé de la vente au détail. On a beau dire que le CD résiste toujours, le chiffre d'affaires des ventes a encore baissé de 6% en 2006 (en valeur et non en disques vendus) poursuivant sa marche inéluctable vers... la disparition. Mais Tower Records?

Absolument.

Car les puissants détaillants (nous parlons ici non seulement de Tower mais aussi de Virgin Megastore, HMV, FNAC Musique en France ou Archambault au Québec) ne peuvent vraiment profiter de l'émergence de la musique en ligne, largement contrôlée par des entreprises liées au monde de l'informatique et d'Internet iTunes Music Store, Amazon.com, Yahoo Music, AOL Music Now, Napster to Go, etc.

Cela dit, les performances plutôt décevantes des détaillants ne peuvent être attribuées exclusivement à la diffusion par Internet, qui ne dépasse pas encore 5% du marché global de la musique. Le vieillissement progressif des acheteurs de CD, moins ouverts à la culture numérique que les plus jeunes qui consomment moins de supports physiques, est aussi un facteur. La chute progressive de la valeur des CD (conséquence du piratage et de la vente légale en ligne) et la concurrence féroce des grandes surfaces sont aussi des facteurs déterminants des difficultés auxquelles font face les supermarchés musicaux et que dire des disquaires indépendants !

Les plus gros vendeurs de CD et de DVD sont désormais Wal- Mart, BestBuy et autres Costco, qui offrent ces produits à des prix très difficiles à battre, même pour un gros magasin de disques. Dans bien des cas, les grandes surfaces utilisent les CD comme produits d'appel, c'est-à-dire des produits dont la marge de profit est très mince, nulle ou carrément négative... et qui servent à attirer le consommateur afin qu'il soit tenté d'acheter des produits vraiment rentables.

Alors que les supermarchés musicaux comptent plus de 10000 titres en magasin, les Wal-Mart de ce monde réalisent plus de ventes de CD avec quelques centaine de titres. Par conséquent, les produits de masse deviennent de plus en plus prévisibles et de plus en plus stéréotypés afin d'être rapidement consommés... dans les grandes surfaces.

Tower Records sera fort possiblement rachetée par une entreprise plus sensible à la culture numérique... Symboliquement, en tout cas, l'entreprise s'est écroulée.