Cafés, restaurants et parcs sont de plus en plus branchés à Internet sans fil à Montréal. Le Village gai s'est même transformé en vaste zone «Wi-Fi» cette semaine. Or, malgré une effervescence indéniable, Montréal traîne la patte par rapport à d'autres villes nord-américaines. La Presse Affaires fait le point.

Cafés, restaurants et parcs sont de plus en plus branchés à Internet sans fil à Montréal. Le Village gai s'est même transformé en vaste zone «Wi-Fi» cette semaine. Or, malgré une effervescence indéniable, Montréal traîne la patte par rapport à d'autres villes nord-américaines. La Presse Affaires fait le point.

À Concordia, l'Internet sans fil est désormais considéré comme un droit acquis.

«Les jeunes qui arriveront en septembre sont nés en 1988, alors ils s'attendent à trouver du Wi-Fi», dit Andrew McAusland, responsable des technologies de l'information de l'université montréalaise.

Les futurs Concordians ne seront pas déçus à la rentrée. Ces dernières années, l'université n'a cessé d'agrandir la portée de son réseau sans fil, si bien que 95 % de la superficie de ses pavillons est aujourd'hui couverte. Le service plaît beaucoup: aux heures de pointe, on a déjà enregistré 3000 connexions simultanées sur le campus.

Il n'y a pas que les jeunes de 19 ans et moins qui soient enthousiasmés par cette technologie. Partout sur la planète, l'Internet sans fil (ou Wi-Fi, pour wireless fidelity) suscite un vaste engouement. La métropole québécoise n'y échappe pas.

Jeudi, les commerçants du quartier gai ont inauguré la plus grande zone gratuite d'Internet sans fil à Montréal. Sur 1,6 km, dans tous les établissements, parcs et terrasses de la rue Sainte-Catherine- et dans bien des résidences limitrophes-, les internautes pourront se brancher sans frais au Web, en autant qu'ils aient un ordinateur doté d'une carte «Wi-Fi».

La technologie qui a permis ce déploiement n'a rien de bien sorcier. Elle est fournie par Île Sans Fil (ISF), organisme communautaire qui vise à multiplier les points d'accès gratuits dans la métropole.

En gros, les commerçants paient pour leur accès Internet régulier, et «divisent» la connexion entre plusieurs usagers grâce à un routeur. Des antennes placées à des endroits stratégiques permettent ensuite de diffuser les ondes dans toute la rue, dans le cas du Village gai. Les bénévoles d'ISF s'occupent d'installer et d'entretenir tous les systèmes, moyennant une petite cotisation des commerçants.

Depuis ses débuts, ISF a ainsi «branché» une centaine de cafés, restaurants, bars et parcs à Montréal. Plus de 20 000 utilisateurs sont inscrits au service gratuit.

En parallèle, les hot spots d'Internet sans fil, payants ceux-là, poussent aussi comme des champignons partout en ville. Divers fournisseurs, dont un consortium formé par Bell, Rogers et Telus, proposent le service dans des cafés. Pour se brancher, les internautes peuvent payer à l'heure ou souscrire à un forfait.

Petit dilemme...

Cette cohabitation entre services payants et gratuits donne parfois lieu à des situations surprenantes. Dans le quartier latin, par exemple, on peut choisir de payer 6$ pour une heure d'Internet au Second Cup... ou traverser au café voisin et se brancher gratuitement sur le réseau d'ISF! Un dilemme facile à trancher pour plusieurs.

Malgré cela, les fournisseurs payants ne se disent pas inquiets par la «concurrence» gratuite.

«C'est un modèle différent, mais on le voit pas comme une menace», affirme Almis Ledas, vice-président, expansion de l'entreprise chez Bell Mobilité.

Bell, tout comme Eye-In (un autre gros fournisseur d'accès Wi-Fi), soutient que les internautes n'hésiteront pas à sortir leur portefeuille pour obtenir un service de qualité.

«Île Sans Fil, c'est un beau geste, mais en réalité, les gens d'affaires et les utilisateurs qui veulent un service constant, sur lequel ils peuvent compter, ça ne leur dérange pas de payer», dit Nathalie Azoulay, vice-présidente aux ventes et au marketing chez Eye-In, une société montréalaise.

La question divise les analystes. D'un côté, certains voient les réseaux gratuits comme ceux d'ISF- et de dizaines d'autres organismes communautaires du genre partout dans le monde- comme des services «complémentaires», ou d'appoint.

Iain Grant, analyste en télécommunications au SeaBoard Group, croit plutôt que la gratuité deviendra la norme.

«Retournons dans le temps. Il y a 30 ans, les restaurants avaient l'habitude de mettre un écriteau indiquant "air climatisé" dans leurs fenêtres. Ils n'ont jamais rien facturé pour ça, parce que si le restaurant d'en face l'avait offert gratuitement, les clients y seraient allés. Je crois que le modèle de l'air climatisé est bon pour le Wi-Fi», illustre M. Grant.

Le modèle gratuit, ou à faible coût, tend d'ailleurs à se répandre, et parfois à très large échelle. Aux États-Unis, les villes de San Francisco et de Philadelphie sont toutes deux en train de mettre au point des réseaux d'Internet sans fil qui couvriront toute la ville.

Au Canada, la petite municipalité de Fredericton a déjà implanté un vaste réseau gratuit en 2003, et le centre-ville de Toronto sera entièrement branché d'ici l'automne.

Pour plusieurs, cette offre «municipale» d'Internet haute vitesse sans fil représente un service public au même titre que l'aqueduc ou le ramassage des vidanges. Une nécessité du XXIe siècle, en quelque sorte.

Les grandes sociétés de télécoms ne le voient pas du tout de cet oeil, et certaines ont contesté la légalité d'une telle pratique aux États-Unis. Le mouvement de l'«Internet municipal» reste malgré tout bien enclenché.

Qu'en est-il à Montréal? La Ville est remplie de bonne volonté... mais avance à pas de tortue. Tant dans sa stratégie de développement économique 2005-2010 que dans sa vision pour 2025, l'administration insiste sur la nécessité d'offrir l'Internet sans fil à haut débit pour assurer la compétitivité de la métropole à l'échelle mondiale.

«Mais entre les principes et la réalité, il y a toujours un écart, admet Daniel Bissonnette, chef de division au développement économique à la Ville de Montréal. Au moment où l'on se parle, on ne peut pas dire que la stratégie soit vraiment démarrée.»

Divers projets sont quand même sur la table à dessin. Dans l'arrondissement de Ville-Marie, par exemple, on songe à «mettre à niveau» les colonnes Morris (qui servent à l'affichage publicitaire), pour qu'elles puissent permettre le branchement à Internet sans fil.

La Ville aimerait aussi brancher tous les employés municipaux à un vaste réseau sans fil, histoire de gagner en productivité. Un investissement «de plusieurs centaines de millions de dollars», souligne M. Bissonnette.

«Des propositions seront vraisemblablement déposées à cet effet à l'automne, pour savoir si on enclenche les dépenses pour munir les pompiers, policiers et travailleurs de terrain avec l'Internet sans fil haut débit», indique-t-il.

Quant à l'idée de transformer l'ensemble du centre-ville en vaste zone Wi-Fi, comme Toronto est en train de le faire, Daniel Bissonnette ne peut se prononcer. La décision est politique, dit-il.

«À ma connaissance, ce n'est pas à l'étude, mais oui, je pense que ce serait une bonne chose: ça pourrait être une variante un peu plus avancée de ce qui se prépare dans Ville-Marie.»

Le maire Gérald Tremblay n'a pu répondre aux questions de La Presse Affaires sur la mise en place d'un éventuel réseau Wi-Fi métropolitain. Il était en vacances cette semaine.

En préparation

Même si Montréal n'a pas encore trouvé une orientation claire en matière de Wi-Fi, il n'y a pas de quoi s'alarmer. La technologie sans fil est encore au stade «embryonnaire», disent des spécialistes, et elle continue à prendre de l'expansion.

«Et l'autre chose qui s'en vient, qui va peut-être changer la donne, c'est une norme qui n'est pas encore homologuée, le Wi-Max», explique Peter Barnes, président de l'Association canadienne des télécommunications sans fil.

«Le Wi-Max, c'est une technologie à plus haute vitesse, et qui couvre un plus grand territoire», poursuit M. Barnes.

Par ailleurs, en plus des hot spots gratuits ou payants et des réseaux municipaux qui se multiplient, on peut désormais transporter notre Internet mobile dans plusieurs villes canadiennes.

Bell a commencé en mars à offrir un service appelé «Nomade». Il s'agit en fait d'un modem portatif qui permet de se brancher à l'Internet grâce à un réseau «basé sur les normes pré-Wi-Max», indique l'entreprise. Le service est offert à 45 $ ou 60 $ par mois.

Et pour ceux qui voudraient naviguer sur le Web en dégustant des frites, un shish taouk ou des sushis, l'aire de restauration du Centre Eaton offre depuis peu le Wi-Fi gratuit. Question de goûts... et de budget!

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