Pas facile de battre Intel lorsque vous dirigez une entreprise qui perd son patron, victime d'une crise cardiaque, tout juste au moment où il se lançait dans une stratégie risquée.

Pas facile de battre Intel lorsque vous dirigez une entreprise qui perd son patron, victime d'une crise cardiaque, tout juste au moment où il se lançait dans une stratégie risquée.

Mais Texas Instruments a battu Intel. Deux fois.

Et Texas Instruments, qui fut au départ un enfant chéri de l'industrie de la technologie pour ensuite se perdre en chemin, a accompli cet exploit avec brio.

Non pas en rognant quelques points supplémentaires de parts de marché à Intel, le légendaire géant du secteur des puces électroniques.

Texas Instruments a plutôt remporté des victoires du genre qui vous force à jeter l'éponge, à fermer les labos et à vendre une division.

Et cela a eu pour effet de l'enhardir.

« Rarement a-t-on vu le leader d'une époque précédente connaître du succès au cours de la période suivante », observe Richard K. Templeton, un ancien vendeur et ingénieur qui a grimpé les échelons chez Texas Instruments pour devenir chef de la direction en 2004. « Je crois qu'il y aura un changement de leadership, ajoute-t-il. Et pourquoi pas en faveur de Texas Instruments? »

Pourquoi pas, en effet? Mais question plus pertinente, comment Texas Instruments, qui a dégagé des revenus de 13,4 milliards US l'an dernier, en est-elle arrivée à l'enviable position qui l'amène à se considérer fin prête à ravir à Intel le titre de porte-étendard de toute l'industrie des puces?

Mieux cibler

En bref, l'entreprise a accompli sa propre réanimation (une affaire d'une décennie) en abandonnant des gammes de produits mal adaptés, en se concentrant davantage sur son activité principale de fabrication de circuits intégrés et en s'associant avec de grandes entreprises, sous-estimées, désireuses de se lancer dans de nouvelles utilisations de ses puces.

Texas Instruments a sorti des cartons une puce appelée « processeur de signal numérique » et a convaincu Nokia, qui n'était pas encore devenu le leader dans le domaine des téléphones cellulaires, d'en faire le coeur de ses produits.

La société a aussi dépoussiéré une deuxième puce sous-utilisée et appelée « processeur numérique de la lumière » et persuadé Samsung Electronics, qui était alors une compagnie d'électronique sud-coréenne en piteux état, tentant de conquérir le marché américain, de l'utiliser dans ses téléviseurs à grand écran, à haute définition.

« On pourrait qualifier de diversité concentrée leurs efforts pour revenir à leurs racines de fabrication de circuits intégrés en se débarrassant de tant d'autres gammes de produits », avance David Carey, patron de Portelligent, firme de Austin, au Texas, qui analyse les composants des produits électroniques grand public.

« C'est essentiellement un seul panier, dit-il, mais avec beaucoup d'oeufs différents. »

De son côté, M. Templeton dit être convaincu que la voie qu'emprunte Texas Instruments s'inscrit non seulement dans la logique des choses, mais qu'elle est aussi inévitable.

Selon lui, toute l'industrie de la technologie est soumise à des cycles de produits de 20 ans qui provoquent des changements sismiques.

Le secteur des gros ordinateurs a cédé sa place aux mini-ordinateurs puis aux micro-ordinateurs (PC).

Aujourd'hui, dit-il, l'industrie se trouve dans l'ère des divertissements portables et des dispositifs de communication.

« Ça ne pardonne pas, lance-t-il. On peut soutenir que l'ère des PC n'est pas terminée, mais elle l'est. »

Le retour a été long pour Texas Instruments, une entreprise qui, à l'aube de l'ère électronique il y a un demi-siècle, avait créé le premier transistor au silicium commercial et avait inventé le circuit intégré.

Mais Intel et d'autres compagnies de technologie ambitieuses ont commencé à tourner en cercles autour de Texas Instruments au milieu des années 80 parce que le « grenier » d'entreprise de la société était encombré d'activités peu performantes qui n'avaient rien à voir avec les puces, tels que des services d'exploration pétrolière et gazière, des radars et des systèmes de guidage de missiles.

Au début des années 80, Intel avait chassé Texas Instruments du secteur des microprocesseurs pour PC et les analystes ont estimé que la compagnie était devenue une cadavre sur la route d'Intel, qui faisait des pieds et des mains pour dominer l'industrie manufacturière de puces informatiques.

Cette cinglante défaite obligea Texas Instruments à se réorganiser et à se lancer dans ce qui allait devenir le prochain produit à la mode: les cellulaires.

Jerry R. Junkins, qui était le patron de Texas Instruments à l'époque, entama une cure d'amaigrissement de l'entreprise et il commença à vendre presque tout, sauf les activités liées à la fabrication de puces.

Mais en 1996, M. Junkins succomba à une crise cardiaque lors d'un voyage d'affaires à l'étranger.

Son successeur, Thomas J. Engibous, a terminé la « vente de feu ».

Adieu les systèmes de radar et de guidage de missiles, adieu la fabrication de moules, adieu l'équipement d'inspection, les logiciels et les produits chimiques.

Il obligea l'entreprise à s'en tenir à ses activités de base en se concentrant sur une puce qui était le cerveau du jouet Speak & Spell, celui utilisé par E.T. pour téléphoner chez lui dans le film à grand succès de Steven Spielberg en 1982.

M. Engibous et l'extra-terrestre venaient tous deux de mettre la main sur quelque chose d'important.

Cette puce, un processeur de signal numérique, est maintenant le dispositif électronique au coeur des téléphones cellulaires.

Et le responsable de Texas Instruments qui en a fait la vache à lait de la compagnie en tissant des liens étroits avec Nokia est un ingénieur de grande taille, à la mâchoire carrée- M. Templeton.

L'accord qu'il a signé avec Nokia est devenu un modèle pour les succès futurs de l'entreprise.

Il a fait correspondre les intérêts de Nokia et de Texas Instruments en amenant ses ingénieurs à adapter le processeur de signal numérique au logiciel des téléphones de Nokia.

Le partenariat couronné de succès entre Texas Instruments et Nokia attira d'autres fabricants de cellulaires vers le producteur de puces de Dallas.

Acteur dominant

Aujourd'hui, Texas Instruments contrôle 58 % du marché de 8 milliards US des puces de téléphones sans fil, selon Forward Concepts, firme d'analyse de marché.

Les puces de Texas Instruments permettent aussi à la nouvelle génération de cellulaires d'afficher des images vidéo et de capter des émissions de télé.

Le succès de ces puces a valu à M. Templeton d'hériter du poste de grand patron de la compagnie en 2004. (M. Engibous en est maintenant le président du conseil.)

M. Templeton a mis peu de temps à amener la compagnie à trouver le même succès remporté dans le secteur des téléphones en produisant des puces destinées à la génération suivante de produits électroniques grand public.

Cela fit en sorte que Texas Instruments allait engager une confrontation avec son vieil adversaire: Intel. Cette fois, Texas Instruments allait inscrire ses deux victoires.

D'abord, sa domination sur le marché des processeurs de téléviseurs grand écran (des puces qui ont appel à des millions de minuscules miroirs) a forcé Intel à stopper la mise au point d'une puce rivale il y a deux ans.

Et puis, le mois dernier, Intel a annoncé qu'il renonçait à ses travaux pour produire des puces de téléphones cellulaires, précisant qu'il prévoyait vendre ses activités dans ce domaine à Marvell Technology.