Un visiteur du salon international du jeu vidéo E3 pose avec des soldats venus promouvoir le jeu officiel de l'armée américaine, à Los Angeles le 11 mai 2006.

Un visiteur du salon international du jeu vidéo E3 pose avec des soldats venus promouvoir le jeu officiel de l'armée américaine, à Los Angeles le 11 mai 2006.

«Et maintenant, allez-vous tuer l'otage, ou l'épargner? Le tuer, bien sûr» lance un présentateur habillé en treillis militaire au salon du jeu vidéo E3, où la violence la plus crue règne et l'amour ne fait visiblement pas vendre.

«Splinter Cell, agent double», met le joueur dans la peau d'un agent secret qui doit donner des gages de sa loyauté. Une détonation et «l'otage innocent», une bande autocollante sur la bouche, s'affaise contre le mur. «Bon, et maintenant, vous allez détourner un pétrolier», poursuit, hilare, le démonstrateur.

Une promenade dans les allées de l'E3, le grand rendez-vous annuel de la profession des jeux vidéo à Los Angeles, ne laisse plus de place au doute: la violence et la guerre sont au bout des manettes.

Les jeux vedettes s'appellent «Brothers in arms» (frères d'armes), «Battlefield» (champ de bataille) ou «Enemy territory» (territoire ennemi). Leur bande sonore crachée par des baffles poussées à fond n'est qu'une succession d'explosions, de bruits de pales d'hélicoptère et de gémissements de mourants.

Dans «Deadrising», visiblement inspiré de films d'horreur comme «La nuit des morts-vivants», le héros doit repousser des zombies qui se morcellent dans des giclées de sang.

La question de la violence dans les jeux vidéo est quasiment aussi vieille que le genre. En 1993, le jeu de tir en vue subjective «Doom» avait provoqué la colère d'associations américaines conservatrices et d'hommes politiques.

«Le problème, c'est que les jeux sont de plus en plus réalistes», note le développeur d'un grand studio sous couvert de l'anonymat, soulignant que l'émergence de nouvelles manettes de jeu, comme celle de la console Wii de Nintendo qui peut se tenir comme une arme, va encore réduire le fossé entre virtuel et réel.

Aux États-Unis, les jeux vidéo sont classés comme les films selon des critères stricts: les jeux les plus violents restent ainsi interdits à la vente aux plus jeunes.

Toutefois, ce n'était pas seulement pour sa violence que le jeu vedette Grand Theft Auto: San Andreas», qui mettait en scène un gangster dans les rues d'une ville ressemblant à Los Angeles, avait dû être retiré des rayons il y a un an, mais surtout pour la présence cachée d'une scène de sexe.

Et la timidité des développeurs de jeux lorsqu'il s'agit d'aborder les relations amoureuses, alors que le secteur se flatte de compter des trentenaires et des quadragénaires parmi ses clients, semble montrer que la leçon a été retenue.

Ironiquement, les exposants de l'E3, où 95% du public est masculin, font appel à de très nombreuses jeunes filles court vêtues pour mettre leurs jeux en valeur.

La prochaine adaptation en jeu vidéo de la série culte «Desperate Housewives» se permet une petite incursion sexy, avec l'une des héroïnes qui fait du charme à son voisin plombier. Mais comme il sied à un logiciel grand public, la porte de la chambre se ferme au moment fatidique...

Autre exception à l'E3, la présence de «Wild Summer», un jeu prévu pour 2007 mettant en scène un adolescent parti à la conquête d'une ville californienne, où il faut draguer les filles, entrer en fraude dans leurs dortoirs et... voler leurs petites culottes.

«Plein de gens viennent nous voir pour nous dire +Enfin un jeu dans lequel il ne faut pas porter une arme+», remarque Marc de Miquel, responsable de l'animation du jeu au sein du studio de Barcelone (Espagne) Novarama, qui résume sa philosophie, minoritaire à l'E3: «on n'a pas besoin de tuer pour s'amuser".