La révolution numérique, avons-nous encore constaté aux récentes Rencontres québécoises de l'industrie de la musique, pousse les consommateurs aux extrêmes.

La révolution numérique, avons-nous encore constaté aux récentes Rencontres québécoises de l'industrie de la musique, pousse les consommateurs aux extrêmes.

D'abord, des phénomènes consensuels comme Star Académie joignent des publics de masse enclins à tout consommer ce qu'offrent ces mégaproductions : sites interactifs consacrés aux vedettes dans Internet, couverture accrue dans les journaux spécialisés et les quotidiens, rediffusions radiophoniques en direct, émissions de télévision à grand déploiement, tournées de spectacles, on en passe.

Ces productions «multiplateformes» nécessitent de vastes opérations de marketing qui favorisent la convergence de médias traditionnels et de nouveaux médias numériques. C'est surtout de ce volet de la révolution numérique qu'est venu nous entretenir Pierre Karl Péladeau, conférencier vedette aux Rencontres.

Qu'on l'approuve ou qu'on la réprouve, cette convergence est une réponse locale à des productions internationales bénéficiant de moyens beaucoup plus considérables que Star Académie. Avec raison, d'ailleurs, M. Péladeau affirmait que Quebecor Média reste «un nain» à côté des plus grands conglomérats anglo-américains de même type.

«Le cinéma d'Hollywood occupe 85% des parts de marché mondial et produit environ 200 films dont le budget moyen est de 100 millions US. Il faut aussi dire que plus de 60% des revenus de ces mégaproductions (35% au milieu des années 80) proviennent de l'extérieur du marché américain, d'où l'acharnement d'Hollywood à protéger ses acquis. Or, il ne faut pas oublier que 300 autres films à petits budgets sont créés annuellement aux États-Unis... Et que nous n'en aurons que de faibles échos», a souligné à son tour l'incontournable lobbyiste Robert Pilon, de la Coalition (canadienne) pour la diversité culturelle, venu causer de cet enjeu dans un environnement culturel numérisé.

La diversité de l'offre culturelle, en fait, est l'autre pendant de la révolution numérique. Les 300 films américains indépendants dont Robert Pilon a fait mention évoluent sur le même territoire que celui des productions étrangères, pour la plupart beaucoup plus modestes que les 200 productions hollywoodiennes consommées par 85% du marché mondial. Un territoire de niches.

En musique, c'est idem. Natalie Larivière, qui dirige le Groupe Archambault, décrivait aux Rencontres une réalité musicale comparable à celle du cinéma. «Le marché de la musique se cristallise autour de deux pôles : d'abord les concepts très grand public, c'est-à-dire des artistes très populaires ou des concepts comme la compilation Salut Joe, et puis une multitude demarchés de niches, plus tribaux, plus rebelles.»

Ainsi, Natalie Larivière a résumé dans une seule phrase le spectre de la nouvelle réalité culturelle à l'ère numérique.

On sait les budgets colossaux dont disposent les plus puissantes industries culturelles pour faire connaître et aimer leurs produits... qui seront de mieux en mieux adaptés aux goûts immédiats du grand public. Mais il ne faut jamais oublier ceci : lorsque des centaines de milliers, voire des millions de Québécois trouvent leur compte dans une chanson, un CD, un film ou une émission de télévision, d'autres millions de Québécois s'identifient à un nombre sans cesse grandissant depropositions culturelles.

Il s'agit maintenant de savoir comment alimenter ces innombrables marchés de niches. «Nous sommes à l'étape de la création d'engins de reconnaissance et de recommandations qui permettent de lier le fan de musique à l'artiste inconnu qui peut correspondre à ses goûts», a soulevé aux Rencontres Benjamin Masse, fondateur de l'entreprise montréalaise Double V3 qui s'applique à créer des ponts numériques entre créateurs et consommateurs dans Internet.

Ces engins de reconnaissance aident entre autres à créer des radios interactives faites sur mesure. Les plus importants sites payants de musique en ligne offrent de tels services, Double V3 s'inscrit dans cette dynamique. Au cours des mois et des années qui viennent, ces systèmes interactifs deviendront de plus en plus efficaces pour les amateurs plus pointus, dont la somme s'annonce plus considérable que celle des produits de masse.

Ainsi va la polarisation extrême entre des produits de niche de plus en plus nombreux et des produits de masse de plus en plus... massifs.