Dans le studio de production des Jeux olympiques de Turin, dans la grande tour montréalaise de Radio-Canada, on a installé des téléviseurs haute définition.

Dans le studio de production des Jeux olympiques de Turin, dans la grande tour montréalaise de Radio-Canada, on a installé des téléviseurs haute définition.

Ce n'est pas par souci esthétique ni pour chouchouter les équipes qui s'y relayeront de 5 h le matin à minuit. Non: la définition des images y est si précise que les journalistes peuvent voir les numéros au dos d'un athlète, même sur une image minuscule.

À la maison, les abonnés à un service de télévision haute définition pourront aussi voir la cérémonie de clôture, des compétitions de patinage artistique et les finales de hockey en format HD.

«Peut-être plus, précise Benoît Trottier, directeur de site pour les Jeux olympiques à Radio-Canada. Si le Canada est en demi-finale au hockey, on va le présenter c'est certain.»

La SRC et sa soeur siamoise CBC partagent leurs images olympiques haute définition. Chacune choisit ce qu'elle veut, de la même source.

Les images de Turin arrivent à Montréal dans un fil de fibre optique loué par Radio-Canada. Lorsqu'elles sont en haute définition, les images prennent plus d'espace dans le minuscule tube.

«Les images haute définition contiennent cinq fois plus d'information, précise Guy Quirion, directeur studios et tournages à la SRC. C'est pour ça qu'on ne peut pas présenter toutes les épreuves en HD, même si elles sont disponibles à Turin. Il n'y aurait pas assez de place dans le tube pour tous les sports que nous voulons présenter dans la même journée.»

200 millions de dollars

La haute définition coûte très cher. Selon une étude commandée par l'ex-ministre du Patrimoine Liza Frulla, le gouvernement devrait verser un peu plus de 200 millions de dollars pour complètement convertir Radio-Canada à la haute définition, pour la produire et la diffuser. À Montréal, la transformation est amorcée.

Le studio 46 de la grande tour du boulevard René-Lévesque est équipé pour produire en format HD.

C'est dans ce studio qu'on a fait les épisodes du téléroman L'Auberge du chien noir et c'est là qu'on tourne la version télévision du magazine Coup de Pouce. À l'été, deux autres studios seront rénovés, puis un autre à l'automne 2006. Coût de toute cette opération, qui inclut aussi la rénovation de deux studios supplémentaires: 22 millions de dollars.

C'est ce qui explique que les réseaux privés ne se pressent pas pour remplacer leur équipement.

Pour l'instant, le changement ne justifie pas ce coût astronomique parce que le prix des annonces commerciales, lui, n'augmentera pas en conséquence.

«Ça n'augmentera pas nos cotes d'écoute non plus, précise Sylvain Jeannotte, directeur général à l'ingénierie, à la diffusion et à l'exploitation réseau pour TVA. Pire, on risque de se cannibaliser nous-même.»

Effectivement. Durant une période de transition, les diffuseurs dédoubleront leur chaîne principale, comme Radio-Canada le fait actuellement.

Les abonnés à un service de télévision numérique qui regardent Radio-Canada en haute définition ne sont pas au même poste que les autres.

Ce qui fait inévitablement baisser les cotes d'écoute.

Légèrement pour l'instant, mais le phénomène s'intensifiera, divisant les téléspectateurs.

Et les précieuses cotes.

Pour les diffuseurs, le format HD pose tout un casse-tête. S'ils demandent à un producteur indépendant de leur fournir une série en haute définition, la note augmentera. Pas les revenus.

De plus, lorsque les spectateurs seront divisés en deux groupes, lequel favoriseront-ils?

«Déjà, lorsqu'on diffuse un film en format HD, en 16:9, les gens appellent pour se plaindre parce qu'il y a des barres noires!», dit Sylvain Jeannotte.

Les amateurs de sports sont souvent les premiers à se convertir à la haute définition, friands qu'ils sont des détails.

«Regarder un match en haute définition, c'est l'équivalent d'être assis dans la première rangée du stade ou de l'aréna», lance l'Américain Phillip Swann, qui tient le site spécialisé en télévision TVPredictions.com.

Le frère de RDS, l'anglophone TSN, a pourtant fait le saut et diffuse déjà certains événements sportifs en haute définition.

Pourquoi Bell Globemedia, propriétaire des deux chaînes sportives, a-t-il privilégié l'anglophone par rapport à la francophone? «Le marché est beaucoup plus compétitif en anglais», explique Nathalie Moreau, de RDS.

Effectivement, un téléspectateur équipé d'un système HD préférera probablement regarder le même match sur une chaîne américaine qui lui fournira une image à la hauteur de son équipement, si TSN ne le fait pas.

Pour l'instant, la langue protège encore RDS.

Plusieurs francophones préfèrent sacrifier la qualité de leur image pour avoir les explications d'un commentateur sportif qu'ils aiment... et comprennent!

La preuve? Bien qu'offert en haute définition sur d'autres chaînes, le Super Bowl a valu à RDS des records d'auditoire pour cet événement annuel la semaine dernière.

La direction de RDS a toutefois annoncé qu'elle passerait au format HD d'ici l'automne 2007.

Du côté de TVA, deux studios sont déjà prêts.

Il y en aura d'autres dès que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le CRTC, leur permettra de dédoubler la chaîne pour présenter une version HD, accessible aux abonnés à un service numérique.

À TQS, on dit étudier la situation sérieusement. Tous devront s'y mettre tôt ou tard: le CRTC demande aux diffuseurs d'offrir au moins deux tiers de leurs émissions en format HD d'ici la fin de l'année prochaine.