L'ADISQ, qui représente les intérêts des producteurs indépendants de disques et de spectacles, a lancé une campagne de promotion afin de faire mousser l'achat de CD ou de musique légalement distribuée en ligne. Amorcée le week-end dernier, la campagne culminera le jour de la Saint-Valentin, avec pour slogan Mille façons d'aimer, mille façons de chanter...

L'ADISQ, qui représente les intérêts des producteurs indépendants de disques et de spectacles, a lancé une campagne de promotion afin de faire mousser l'achat de CD ou de musique légalement distribuée en ligne. Amorcée le week-end dernier, la campagne culminera le jour de la Saint-Valentin, avec pour slogan Mille façons d'aimer, mille façons de chanter...

Dites-le avec des disques, suggère-t-on au grand public. Il semble que ce stratagème ait fonctionné depuis 2004 : augmentation de 30,4% en 2004 par rapport à la même période en 2003. L'an dernier, la campagne a généré une croissance de 3% en comparaison à 2004. On verra bien cette année...

«Ces actions sont d'une importance capitale pour l'ADISQ, car le téléchargement illégal de musique, toujours aussi accessible, cause encore d'immenses dommages à tout le milieu de la musique d'ici», soutient-on à l'association de producteurs. Jusqu'au 14 février, donc, les consommateurs de musique québécoise recevront une boîte-cadeau véhiculant le message Quand on aime la musique pour vrai, la copie, non merci. Cette promotion jouit de la collaboration de plus de 200 disquaires au Québec.

Pourtant... On peut opposer à cette rhétorique des dizaines de contre-exemples, en commençant par Arctic Monkeys, un groupe de Sheffield qui n'a pas hésité à donner ses chansons en pâture aux internautes... avant que 360000 d'entre eux n'achètent en une seule semaine leur premier CD au Royaume-Uni - Whatever People Say I Am, That's What I'm Not, étiquette Domino / Outside.

Le débat sur les vertus promotionnelles de la musique gratuite en ligne est donc loin d'être terminé. Les plus récentes statistiques internationales nous indiquent d'ailleurs que le déclin des bénéfices mondiaux de l'industrie de la musique en 2005 (un peu plus de 2%, pour être précis) est davantage attribuable à la baisse de la valeur des CD en magasin plutôt qu'à la quantité de CD consommée.

Assurément, la valeur des chansons et des albums vendus à l'unité ne cessera de décliner. Trop d'options s'offrent désormais aux consommateurs. Nous n'avons encore rien vu.

Pour l'instant, le plus payant des modèles d'affaires en ligne demeure celui «à la carte» c'est-à-dire à plus ou moins 99 cents la chanson, plus ou moins 10$ l'album (iTunes Music Store). Il est appelé aussi à décliner car d'autres options désormais légales s'offrent au marché. Mais si.

On l'a vu au Marché international de la musique (MIDEM) tenu à Cannes il y a deux semaines, le modèle par abonnement explose littéralement sur les marchés, les Yahoo! Music Launch, Napster, Music Now, IMesh et autres Rhapsody permettent désormais l'accès à d'immenses répertoires moyennant des frais mensuels de plus ou moins 10 $ - IMesh et Yahoo! Music Launch sont désormais offerts au Canada.

Comment ça marche? Une fois votre mensualité payée, vous téléchargez ce que vous voulez, vous déclinez vos fichiers musicaux sur vos supports préférés, vous pouvez en jouir tant et aussi longtemps que vous renouvellerez votre abonnement. Dans les marchés émergents (Chine, Inde, Brésil, etc.), ce modèle va bientôt mettre hors de combat le système d'achat à la carte.

Est-il besoin d'ajouer que les multiples implantations de mesures techniques de protection et de recension des droits d'auteurs (DRM, pour digital rights management) ne pourront endiguer cette tendance à l'accès illimité des contenus audiovisuels. Les tatouages informatiques limitant le nombre de copies ou le transfert des contenus sur différents supports (baladeur numérique, CD vierge, téléphone portable, ordinateur personnel) peuvent d'ores et déjà être contournés par l'interception de l'écoute en transit - qui ne peut comporter de tels cryptages alors que c'est toujours possible dans les systèmes peer-to-peer.

Catastrophique? Pas du tout. À court terme, inquiétant. À moyen ou long terme, rassurant. Tôt ou tard, cette hyperdistribution des contenus musicaux de qualité via Internet finira par créer encore plus de redevances aux créateurs qu'ils n'en perçoivent actuellement. La musique, comme c'est le cas de l'ensemble de la production audiovisuelle, n'est pas en voie de devenir gratuite. Absolument pas.

Lorsque chaque internaute ou propriétaire d'un téléphone portable adhérera aux nouveaux modèles d'affaires en gestation, de plus en plus de créateurs, éditeurs et producteurs verront l'immense potentiel d'affaires que représente Internet. Et n'oublions pas la licence globale : imposé à la manière d'une taxe, ce forfait supplémentaire sera un jour essentiel à l'équilibre économique de la création, question de compenser ce qui échappera aux modèles d'affaires sur Internet.

L'accès illimité de la musique ouvre donc la voie à mille façons... de la payer.