Tout indique que la licence globale sur Internet, qui fut adoptée en France en décembre dernier dans un contexte pour le moins chaotique, n'aura pas longue vie. Hier, au Midem de Cannes, le ministre de la Culture et de la Communication lui a déjà montré la sortie.

Tout indique que la licence globale sur Internet, qui fut adoptée en France en décembre dernier dans un contexte pour le moins chaotique, n'aura pas longue vie. Hier, au Midem de Cannes, le ministre de la Culture et de la Communication lui a déjà montré la sortie.

Après avoir déclenché un tollé dans tout le milieu de la musique française et autres secteurs de la création dans l'Hexagone, après avoir conduit des politiciens-clés à se prononcer clairement en défaveur du concept (le président Jacques Chirac, le premier ministre Dominique de Villepin et autres Nicolas Sarkozy), la licence globale sur Internet bat déjà de l'aile chez les cousins. Il faut rappeler que le 21 décembre, cette disposition de la loi actualisée sur le droit d'auteur en France avait été adoptée tard dans la nuit dans une Assemblée nationale en partie désertée.

La mort de la licence globale, en fait, est annoncée. Dans le cadre du Midem, le ministre de la Culture et de la Communication, Renaud Donnedieu de Vabres, déclarait hier que le débat et le vote sur la question seraient repris fin février ou début mars. Avec tout le décorum des moeurs politiques françaises, le ministre a fait hier la démonstration passionnée des effets néfastes qu'engendrait la licence globale chez les créateurs.

«C'est un système qui ne me paraît pas répondre, aujourd'hui, aux impératifs, et c'est la raison pour laquelle je ne le propose pas... Je ne suis pas un idéologue. Si j'avais conscience que cette solution soit concrète, opérationnelle et produise des résultats, je ne vois pas pourquoi je ne l'aurais pas adoptée», a notamment déclaré Donnedieu de Vabres.

«Cette révolution numérique, a-t-il en outre souligné, fait émerger de nouveaux modèles économiques, de nouvelles interrogations, de nouvelles concurrences, de nouvelles pratiques culturelles, qui remettent en cause les équilibres, acquis de longue date et de haute lutte, entre la nécessaire protection des créateurs et les besoins des consommateurs. Reconnaissons ensemble que nous sommes ensemble à la recherche de nouveaux équilibres, et que ce n'est pas facile.»

Lourde, donc, est la tendance contre la licence globale, une disposition de la Loi sur le droit d'auteur qui légalise tous échanges sur Internet moyennant un montant forfaitaire mensuel- de 5 à 7 euros.

Dans cette douce France où la moitié de la population dispose d'un ordinateur à domicile et où 8 millions d'utilisateurs échangent leurs fichiers via une connexion haute vitesse, la licence globale aurait pour effet de détruire une offre légale en ligne qui n'a pas encore pris son véritable envol. Par ailleurs, le ministre de la Culture et de la Communication a rappelé que le marché français du disque a subi de lourdes pertes depuis 2003, que plusieurs contrats d'artistes ont été résiliés par les compagnies et que les signatures de nouveaux artistes ont baissé de 40 %.

«Si la France, dont le gouvernement a soutenu le droit d'auteur mieux que tous les autres, maintient une telle mesure, ce serait un désastre pour l'industrie mondiale de la musique. Cela freinerait considérablement l'expansion de la musique numérique dans les autres grands marchés», a souligné hier le Britannique John Kennedy, président de l'International Federation of the Phonographic Industry (IFPI), qui regroupe les plus puissants lobbys de l'industrie de la musique. Kennedy s'estimait surpris de la licence globale mais demeurait optimiste quant à son renversement prochain.

Quoi qu'on pense de cette façon de voir les choses, il serait trop facile de résumer la position du gouvernement français à un simple écho de l'industrie de la musique. On peut attribuer bien des torts à cette dernière, on peut déplorer que les majors du disque aient encore énormément de mal à partager avec la e-business les nouveaux revenus de la distribution électronique, il faut néanmoins laisser émerger de nouveaux modèles d'affaires de la révolution numérique.

Malgré l'importance accrue que prennent les échanges gratuits et non autorisés sur Internet, ces nouveaux modèles d'affaires tendent désormais à donner l'accès au consommateur à des millions de chansons ou pièces musicales moyennant des prix nettement inférieurs à ceux des magasins de disques.

Ces modèles d'affaires, qui feront vivre un jour les professionnels de la musique (et de tous les autres contenus échangés sur Internet), constate-t-on au MidemNet, sont encore à leurs premiers jours. Il faut admettre en ce sens qu'un seul montant fixe de quelques euros prévu par la licence globale, aurait tôt fait de décourager les utilisateurs d'Internet à ne pas contribuer davantage aux contenus disponibles en ligne.

Dans cette optique, il faut laisser les nouveaux partenaires économiques de la musique mettre en place ces modèles de demain avant que l'on puisse reparler d'une licence globale qui en compensera éventuellement les pertes. Y reviendra-t-on dans quelques années? Fort possiblement.