La blogosphère est un grand livre ouvert sur les secrets les plus intimes de ses artisans. Certains consacrent des blogues à leur collection de papillons rares. D'autres y causent de leur chagrin d'amour, des prouesses de leur caniche ou des fluctuations de leur sérotonine. Il y a aussi des blogueurs téméraires (ou inconscients) qui utilisent cette tribune pour cracher tout le mal qu'ils pensent de leurs patrons. Et quelques-uns ont payé cher leurs coups de gueule virtuels. Ils ont été virés.

La blogosphère est un grand livre ouvert sur les secrets les plus intimes de ses artisans. Certains consacrent des blogues à leur collection de papillons rares. D'autres y causent de leur chagrin d'amour, des prouesses de leur caniche ou des fluctuations de leur sérotonine. Il y a aussi des blogueurs téméraires (ou inconscients) qui utilisent cette tribune pour cracher tout le mal qu'ils pensent de leurs patrons. Et quelques-uns ont payé cher leurs coups de gueule virtuels. Ils ont été virés.

Dans le jargon des blogueurs, l'expression «to get dooced» signifie «perdre son emploi à cause de son blogue». Dooce.com, c'est l'adresse du blogue d'Heather B. Armstrong, ex-employée d'une entreprise californienne du multimédia qui, en 2002, a été remerciée de ses services. Motif officiel de son congédiement: avoir médit contre ses patrons sur son site personnel.

Cette histoire a donné une bonne frousse aux blogueurs désireux d'utiliser leur tribune comme poupée vaudou virtuelle. «Heather B. Amstrong reconnaît elle-même qu'elle est allée trop loin. Mais son congédiement l'a rendue célèbre sur la blogosphère. Si bien que www.dooce.com se maintient au palmarès des 10 blogues les plus lus», dit la scénariste et blogueuse Martine Pagé, qui a écrit et donné des conférences sur le sujet.

Armstrong n'est évidemment pas la seule blogueuse à avoir été doocée. «En janvier 2005, les patrons du créateur écossais du Woolamaloo Gazette ont montré la porte à celui qui avait utilisé son blogue comme exutoire de son ras-le-bol professionnel. Un employé de Microsoft s'est quant à lui retrouvé au chômage après avoir diffusé sur son blogue la photo d'un camion qui livrait des ordinateurs Apple chez son employeur.»

En juin dernier, des patrons de Radio-Canada ont utilisé à leur tour le motif d'«usage abusif du blogue» pour remercier le journaliste Jocelyn Desjardins. Ils reprochaient à cet employé à statut précaire d'avoir utilisé le matériel de la société d'État à des fins personnelles. Desjardins avait inclus dans son blogue un extrait sonore d'une entrevue jamais diffusée qu'il avait réalisée pour Radio-Canada.

Le mythe de l'anonymat

«Un blogue peut facilement devenir l'équivalent d'une conversation qu'on enregistre autour de la machine à café», dit Jean-Hugues Roy, instigateur de deux blogues à l'usage des employés de Radio-Canada.

«C'est comme une lettre d'amour. La règle de base est de ne rien écrire qui pourrait être retenu contre vous devant le tribunal au moment de votre divorce», ironise de son côté le scénariste montréalais Alex Epstein, à qui la blogosphère a causé quelques ennuis.

Hélène Morel, conseillère en ressources humaines chez Vidéotron, a aussi dû faire face à ce genre de problème. Des employés exprimaient sur leur blogue des états d'âme nuisibles à l'image de la compagnie. «Je suis déjà tombée sur le blogue d'un salarié démotivé. Ce dernier qui, de toute façon, avait exprimé ailleurs son mécontentement, a fini par quitter son emploi.»

Selon elle, plusieurs blogueurs ne sont pas conscients de la portée de leurs écrits, même s'ils s'expriment de façon anonyme. Il suffit généralement d'une petite recherche pour découvrir le blogue d'un employé actif ou potentiel. «Si le blogue d'un candidat à l'embauche révèle un manque de motivation, je ne retiendrai pas son dossier», précise Mme Morel.

Y penser avant de publier

«Il faut être conscient que tout ce qu'on écrit sur Internet est là pour rester, même si on détruit trois semaines plus tard un texte rédigé sur un coup de tête. Les moteurs de recherche comme Google archivent les pages et l'information peut en tout temps refaire surface», prévient Martine Pagé.

C'est pourquoi Jean-Hugues Roy insiste sur la nécessité de «tourner sa langue sept fois» avant d'appuyer sur la touche «publier». «Comme pour les journalistes qui, malgré l'heure de tombée, doivent s'assurer que leur information est vraie.»

Les patrons sont-ils exagérément craintifs quant aux effets possibles des blogues d'employés sur leur image? Alex Epstein le croit.

«Je pense que les employeurs sont habitués de contrôler l'information qui les concerne. Mais à mon avis, de nombreux employeurs surévaluent le pouvoir de la blogosphère.»

M. Epstein avertit les employeurs que tirer sur le messager ne tue pas forcément le message. «De retour chez lui, que fera le blogueur congédié? Il bloguera à propos de son licenciement. Les blogueurs qui fréquentent son site ajouteront leurs commentaires et, au bout du compte, ses ex-patrons devront gérer une vraie crise de relations publiques.»

LIRE DES BLOGUES SUR SES HEURES DE TRAVAIL

Selon une étude de la revue américaine Advertising Age, environ 35 millions de travailleurs américains, soit un sur quatre, consacrent en moyenne 3,5 heures (ou 9 % de leur semaine de travail) à visiter des blogues. Plutôt que de prendre leur heure de repos pour manger, les blogomanes prennent une " pause blogue " quotidienne d'environ 40 minutes.

(Source : Advertising Age)