Le piratage informatique, ou la copie illégale de logiciels, est un vol jugé acceptable par six Québécois sur 10, affirme une étude réalisée cet automne par Léger Marketing. À l'approche des Fêtes, la période la plus lucrative pour les marchands de jeux et de logiciels, c'est une bien mauvaise nouvelle. Un cadeau empoisonné, à tout le moins.

Le piratage informatique, ou la copie illégale de logiciels, est un vol jugé acceptable par six Québécois sur 10, affirme une étude réalisée cet automne par Léger Marketing. À l'approche des Fêtes, la période la plus lucrative pour les marchands de jeux et de logiciels, c'est une bien mauvaise nouvelle. Un cadeau empoisonné, à tout le moins.

Les statistiques publiées sur le sujet démontrent que le Canada est un leader du piratage de logiciels. À l'échelle globale, la proportion de logiciels acquis illicitement est de 35 %. Aux États-Unis, elle est de 21 %. Au Canada, selon l'Alliance canadienne contre le vol de logiciels (ACCVL), 36 % des logiciels sont piratés, ou obtenus sans en avoir acquitté le coût d'achat.

Les consommateurs canadiens qui aimeraient justifier cette attitude en faisant état des économies qu'ils en tirent ne réalisent peut-être pas qu'ils nuisent à l'industrie canadienne des technologies de l'information et des communications (TIC) plus qu'autre chose, croit la présidente de l'ACCVL, Jacquie Farmulak.

«Un taux de piratage moins élevé signifierait plus d'emplois pour les travailleurs des TIC, mais aussi beaucoup plus d'opportunités d'innovation pour le Canada, dit-elle. Il va sans dire que les revenus fiscaux qu'on en tirerait aideraient le gouvernement canadien à financer des services d'intérêt public.»

14 000 emplois

L'ACCVL, qui a fait quelques petits calculs pour illustrer la question, en arrive à la conclusion que, si l'on réduisait du tiers le piratage de logiciels au pays, l'industrie locale des TIC empocherait 8,1 milliards de dollars de plus par année, et serait tentée de créer jusqu'à 14 000 nouveaux emplois pour satisfaire à la demande croissante. Ce serait tout un cadeau de Noël à faire aux technos!

Pour le gouvernement, ce sont des revenus fiscaux équivalant à 2,3 millions de dollars qui n'entrent pas dans les coffres. C'est cette statistique qui permet aux gens de l'industrie de demander du gouvernement qu'il adopte une approche plus pertinente dans ce dossier.

«La réduction du piratage donne des résultats concrets, comme l'accroissement du financement pour l'éducation et les soins de santé, ainsi qu'une plus grande croissance économique en général», va jusqu'à conclure le chercheur John Gantz, d'IDC, cabinet d'analyse spécialisé dans les TIC. «Il y a des bénéfices positifs quantifiables pour les pays qui possèdent une meilleure protection du droit d'auteur», ajoute-t-il.

Cette «meilleure protection» comprend, selon IDC et l'ACCVL, des lois nationales conformes aux obligations de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), une meilleure coopération transfrontalière de prévention du piratage et davantage de sensibilisation du public.

Copier c'est voler

Aux yeux des Québécois, le vol de logiciels effectué par téléchargement, sur Internet, ou par la copie d'un disque compact est un menu larcin incomparable au vol de la boîte contenant le logiciel, sur l'étalage d'un commerce. À l'opposé, les gens interrogés par Léger Marketing condamnent immédiatement ce second geste: 97 % des répondants trouvent inacceptable le vol d'un logiciel en magasin, 94 % jugent intolérable la vente de copies illégales et 90 % trouvent inacceptable de travailler pour une entreprise qui utilise des logiciels piratés.

Il y a là un problème de perception que l'ACCVL aimerait bien pouvoir faire disparaître. «Copier un logiciel équivaut à le voler», résume Raymond Snow, porte-parole de l'organisme. «Il faut réaliser que le piratage informatique peut avoir de graves conséquences», tant pour l'économie locale que pour les gens pris à faire un tel délit.

Blâmer les consommateurs et le gouvernement pour leur attitude inappropriée face au piratage informatique, n'est-ce pas une façon de se décharger d'un problème qui, finalement, est l'affaire de l'industrie, avant tout? Dans un intéressant rapport publié la semaine dernière, l'Agence française pour le jeu vidéo (AFJV) en arrive à la même conclusion. «L'industrie doit faire plus en ce qui a trait aux actions tangibles à court terme, afin de prévenir le vol», peut-on y lire.

L'AFJV pense finalement que l'industrie doit étudier ce qui influence les consommateurs à choisir ces «canaux de distribution illégaux». «L'étude des habitudes de téléchargement dans le marché gratuit illégal pourrait amener à découvrir de nouveaux modèles d'affaires fascinants, pour des occasions commerciales réelles», conclut-elle.