Le commissaire européen Julian King appelle à une «prise de conscience» de la montée des cybermenaces en Europe, qu'elles soient d'origine criminelle ou avec des visées de déstabilisation politique, dans un entretien avec l'AFP.

Le Britannique, chargé de la Sécurité au sein de l'exécutif européen, plaide aussi pour un partage dans l'UE des données biométriques que détiennent les États membres, pour lutter notamment contre les terroristes recourant à des identités multiples, comme l'auteur de l'attentat de Berlin en décembre.

«La cybercriminalité a un coût évalué à près de 60 milliards d'euros en 2016 pour l'économie européenne», un montant qui ne manquera pas d'augmenter, souligne M. King, invité mardi à une conférence internationale sur la cybersécurité à Lille (nord de la France).

«Et de plus en plus de pirates utilisent le cyberespace pour semer le doute dans nos systèmes politiques», ajoute-t-il, faisant référence aux inquiétudes exprimées récemment en Europe face à des cyberattaques politiques qui proviendraient de Russie.

«Les gens qui essaient de faire ça, avec des objectifs criminels ou d'autres objectifs, aimeraient travailler dans l'ombre», observe le commissaire. «Donc la première chose que nous pouvons faire, c'est de mettre ça en lumière, pour que les gens prennent conscience de la menace».

«Rançonnage en ligne»

«Renforcer la résilience» face à ces menaces exige une réaction de tous les acteurs: les particuliers doivent «suivre les consignes sur la sécurité de leurs comptes bancaires», les acteurs publics et privés se préoccuper de la sécurité des réseaux et les États membres renforcer leur coopération, estime M. King.

La Commission «vient de lancer un nouveau partenariat public-privé, dont nous espérons qu'il pourra générer 1,8 milliard d'euros d'investissement dans la recherche» en cybersécurité, se félicite le commissaire.

Il cite, comme exemple d'initiatives à mener avec le secteur privé, une coopération menée par Europol contre les «rançons en ligne», cette technique consistant à réclamer à des individus ou des entreprises de l'argent pour débloquer leurs ordinateurs attaqués à distance.

«Il existe toute une gamme de logiciels, on peut fournir les outils de déblocage sans que l'utilisateur soit obligé de payer. Plus de 2500 appareils ont ainsi été déchiffrés gratuitement en Europe l'an dernier», précise-t-il.

Se renforcer contre la cybercriminalité permettra aussi d'être moins vulnérables aux «menaces hybrides», incluant les cyberattaques visant à déstabiliser leurs cibles, assure le commissaire britannique.

La Commission elle-même «a connu l'an dernier 20% d'attaques en plus» par rapport à l'année précédente.

«Nous sommes ciblés, et parfois ce sont des attaques importantes», témoigne-t-il, se refusant à donner plus de détails sur la nature et les dommages éventuels causés par ces cyberattaques, dont l'une avait été ébruitée en novembre dernier. «Nos efforts sont plus efficaces, si on évite de donner tous les détails».

Plus de biométrie

Dans la lutte contre le terrorisme, Julian King admet que le partage d'informations entre États membres «se heurte parfois à des questions d'organisation interne, ou à des traditions différentes d'un État à l'autre», mais il affirme que les mentalités sont en train de changer.

Pour améliorer l'efficacité des fichiers qui permettent d'échanger des données d'identification d'individus entre pays de l'UE, «on va proposer d'avancer cette semaine sur l'idée d'une interface de gestion unique». Il s'agit de faire en sorte que «les personnes en première ligne (policiers, agents aux frontières) puissent consulter en une seule fois tous les fichiers auxquels ils ont accès».

L'UE va également travailler à la mise en place d'un «système unifié pour la gestion des identités», incluant des données de biométrie.

«Dans des cas d'attaques récentes comme à Berlin, on voit que les suspects ont utilisé plusieurs identités. Avec l'information biométrique, on a la possibilité de renforcer nos défenses contre ces abus», juge M. King, plaidant pour une utilisation plus large de la biométrie dans les futurs fichiers mais aussi «dans les systèmes déjà existants».

Julian King, qui devrait être le dernier commissaire européen du Royaume-Uni, est convaincu que l'UE conservera des liens forts avec Londres en matière de sécurité après le Brexit. «Je constate que Theresa May a répété à plusieurs reprises qu'elle veut continuer, voire renforcer la coopération dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité même après le Brexit».