À Trois-Rivières, l'auteur et entrepreneur Adis Simidzija a mis sur pied une petite maison d'édition dont les profits sont destinés à faciliter l'intégration sociale et scolaire des enfants réfugiés.

« Quand je suis arrivé au Québec, je ne comprenais rien au français. J'étais réduit à pleurer pour dire "j'ai faim" ou à crier pour dire "j'ai peur". Mais j'avais presque 10 ans! » C'est pour tenter d'apaiser le coeur des petits réfugiés qu'il a mis sur pied son projet. La maison d'édition sans but lucratif qu'il a créée offre livres, matériel scolaire, soutien financier et une bonne dose d'amitié aux immigrants de la région de la Mauricie.

Pour bien saisir ce qui a poussé cet auteur et entrepreneur à aller dans cette voie, il faut comprendre d'où il vient. Adis Simidzija est un réfugié de guerre. Il est arrivé de Mostar, en Bosnie-Herzégovine, alors que les Balkans étaient à feu et à sang. C'était en avril 1998. Il avait 9 ans et demi. Il était accompagné de son grand frère et de sa mère. Son père, six années plus tôt, avait été assassiné avec des centaines d'autres civils.

L'écriture : un art salvateur

La langue française est venue à lui comme une bouée. C'est son enseignante de l'époque, à l'école Saint-Philippe de Trois-Rivières, qui l'a pris sous son aile. « Elle me disait : "Écris quelque chose, Adis, n'importe quoi, ce n'est pas grave." Je me sentais écouté, compris, en sécurité. Elle a bâti un pont entre moi et le reste du monde », explique-t-il. L'écriture est venue ensuite, comme une catharsis.

Aujourd'hui, le trentenaire s'applique à se remémorer cette enfance dont il a oublié de grands bouts - instinct de survie oblige -, notamment le nom de cette enseignante pourtant si importante, et qu'il souhaiterait tant retrouver. « Elle m'a ouvert les portes de mon nouveau pays et d'une culture à laquelle je devais m'identifier, jure-t-il. Ce qu'elle a fait pour moi était nécessaire. J'avais beaucoup de choses à apprendre, elle m'a montré que c'était possible. »

« Je dis oui à l'art et à la littérature, mais à condition que ça serve! L'art doit pouvoir apaiser, embellir, dénoncer, faire comprendre... Mais l'art conserve le devoir moral d'être utile. » - Adis Simidzija, fondateur de Des livres et des réfugié-e-s

Un conteur est né

Pour que son organisme sans but lucratif puisse amasser des fonds, l'étudiant à la maîtrise s'est fait entrepreneur. « J'ai trouvé un imprimeur local qui accepte de produire seulement 100 copies à la fois, une illustratrice qui fait don de ses dessins et une multitude de bonnes âmes qui prêtent mainforte gratuitement », souligne-t-il. L'an dernier, Adis et un collectif d'auteurs ont vendu 350 exemplaires de leur recueil Les âmes crépusculaires. « En plus d'aider les familles de la région, dit-il, nous avons offert une bourse de 1 000 $ à une doctorante de l'Université du Québec à Trois-Rivières qui a créé un programme d'intégration pour les parents et les enfants réfugiés. »  

Pour le moment, la Mauricie est le seul territoire que l'organisme arrive à couvrir : « Nous avons mis sur pied un solide conseil d'administration et j'espère que dans un avenir rapproché, nos campagnes de sociofinancement nous permettront d'aider des réfugiés de plusieurs régions du Québec. »

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Avec son deuxième ouvrage, Adis tient à recoller les morceaux de sa propre expérience d'immigration. Le texte de Confessions d'un enfant du XXIe siècle, à la fois narratif et poétique, raconte l'histoire d'un enfant de la guerre. Adis mettra bientôt un troisième ouvrage au profit de Des livres et des réfugié-e-s. Intitulé Les ponts à construire, le recueil de récits sera préfacé par l'auteur Robert Lalonde. « L'apprentissage de la langue et d'une nouvelle culture à un jeune âge a été salvateur pour moi, mentionne-t-il. C'est maintenant cette perche qui m'a été tendue que je souhaite diriger vers de jeunes réfugiés. »

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