Zoheir Ferdjioui et Amel Tnani approchaient la quarantaine lorsqu'ils sont venus s'installer au Québec. La vie était pourtant douce en Algérie pour ces deux pédiatres. Leur cabinet médical était réputé, et l'immigration au Canada était un désir, et non une obligation. Rencontre avec des aventuriers de la vie.

« Venir vivre au Québec était un choix conscient », lance Zoheir Ferdjioui, à qui une place a été offerte... au Saguenay! Mais un choix, aussi conscient soit-il, n'est pas à l'abri des surprises. Il n'a pas oublié son tout premier dimanche passé à Chicoutimi. « Je cherchais les bars, les terrasses, la vie, quoi! C'était la fête des Mères et tout le monde était en famille. J'étais désespéré. Honnêtement, je me suis demandé où je venais de me foutre... »

Zoheir et Amel sont convaincus que leur enracinement est dû à leur résilience devant l'adversité. « Le froid, l'absence de famille et d'amis, la langue, la nourriture, la culture... tout est un défi quand on quitte son pays, explique Amel. Même le permis de conduire n'est plus valide! Et c'est normal. Quand j'ai passé mes équivalences pour pratiquer la médecine au Québec, notre fils, Samy, avait un an et notre fille, Selma, cinq ans. C'était une                                                                     période très prenante de ma vie. »

« Immigrer est dur. Je travaillais comme une dingue, je me réveillais à l'aube pour pleurer, mais jamais, au grand jamais, je n'ai envisagé l'échec. Vivre au Saguenay était notre choix, et nous avions à coeur de réussir notre intégration. » - Amel Tnani

Photo : Collection personnelle Zoheir Ferdjioui & Amel Tnani

Selma Ferdjioui avec son papa, en randonnée à Sainte-Rose-du-Nord, devant le majestueux fjord du Saguenay.

Le couple avait tant à coeur de réussir que lorsqu'il a quitté Chicoutimi pour Laval, il y a deux ans, les au revoir ont été déchirants. Le Dr Ferdjioui était si enraciné qu'il était passé d'immigrant à chef du département de pédiatrie de l'Hôpital de Chicoutimi. Ce gentleman aventurier et amoureux de plein air a fait maintes levées de fonds : il connaissait tout le monde en ville! Il est notamment l'instigateur du Doc Show, un band unique au monde composé de 14 médecins qui montent des spectacles dans un but caritatif. Leur troisième levée de fonds, le 6 décembre prochain au profit de la guignolée de Chicoutimi, couvre rien de moins que la première partie du spectacle de Roch Voisine. L'enracinement n'est pas ici qu'un simple concept. C'est une décennie dans la vie du couple, et un tournant dans le destin de ses enfants.

« S'intégrer ne signifie pas renier ses origines, explique Zoheir. Je suis Algérien; ma femme, Tunisienne. Ça va toujours rester. Mais après plus d'une décennie de vie, d'apprentissages, de voyages, d'amitiés créées, nous sommes aussi devenus Québécois. » - Zoheir Ferdjioui

Photo : Collection personnelle Zoheir Ferdjioui & Amel Tnani

Zoheir Ferdjioui au sommet du Kilimandjaro, en Tanzanie, juste avant de se faire raser la tête au profit de LEUCAN.

« Nous avons adopté vos expressions, "là, là", on tripe sur les Cowboys fringants et on a offert le CD de Jean Leloup - celui où il chante Alger - à la moitié de l'Algérie. Amel fait la meilleure tourtière de tout le Lac-Saint-Jean, on raffole du gibier, des betteraves et de la sauce à spaghetti, on fait de la raquette et du ski, et, comme tout bon Québécois, on apporte du sirop d'érable quand on retourne au Maghreb...»

Leur maison est remplie de tableaux et de sculptures qui proviennent de partout au Québec. Ces oeuvres côtoient les poteries de la belle-soeur de Zoheir, une artiste algérienne, et l'argenterie de la grand-mère d'Amel. « C'est ça, chez nous, lance le Dr Ferdjioui avec toute sa passion méditerranéenne. Quand on est à l'étranger, on dit qu'on vient du Saguenay! Notre coeur, notre tête, notre maison, le sang qui coule dans les veines de nos enfants, tout ça est un beau mélange. Selma et Samy connaissent leur histoire : c'est leur empreinte et on y tient. Mais nos enfants sont aussi deux Québécois qui vivent en Amérique. C'est ça, pour nous, prendre racine : s'ouvrir à d'autres possibles. »

Photo : Collection personnelle Zoheir Ferdjioui & Amel Tnani

Zoheir Ferdjioui dans un solo qui démontre toute sa passion.