Il y a quatre ans, aux Jeux olympiques de Turin, Alexandre Bilodeau était une recrue sur une lancée extraordinaire. Il avait dû se contenter de la 11e place. Hier, avec sur ses épaules la pression de tout un pays, le bosseur québécois a signé une descente frisant la perfection pour gagner sa première course de la saison et la première médaille d'or olympique du pays en sol canadien.

Au terme d'une soirée extraordinaire qui a vu trois Québécois terminer parmi les cinq premiers, Bilodeau, qui était l'avant-dernier à s'élancer, a devancé de justesse son grand rival Dale Begg-Smith, son pointage de 26,75 lui procurant une avance de 17 centièmes sur l'Australien d'origine canadienne. L'Américain Bryon Wilson (26,08) a fini troisième.

La foule de 8269 spectateurs assemblée au bas de la piste à Cypress Mountain a eu droit à un suspense à couper le souffle, qui risque d'inspirer la délégation canadienne, dont l'ambition est de terminer au premier rang du classement des médailles des Jeux de Vancouver. En plus de Bilodeau, Vincent Marquis, de Québec a fini quatrième, tout juste devant l'ancien champion du monde Pierre-Alexandre Rousseau. L'autre Canadien en finale, Maxime Gingras, a obtenu une onzième place plus qu'honorable.

«C'est bien, mais ce n'est que le début!», a lancé Bilodeau au terme de la course, après avoir été félicité par le premier ministre Jean Charest et la plupart des pontes du Comité olympique canadien (COC), du président désigné Marcel Aubut à la chef de mission Nathalie Lambert.

«C'est le meilleur feeling qu'on peut avoir, un rêve qui se réalise, a ajouté Bilodeau. Je suis tellement bien entouré. J'ai la meilleure famille, les meilleurs amis, le meilleur coach. B2Dix (la société fondée par son entraîneur Dominick Gauthier qui aide une vingtaine d'athlètes canadiens), le COC et le programme À nous le podium ont tout fait pour nous aider. C'est juste le début du party!»

Bilodeau a sorti ses grosses cartes pour la finale, réussissant le saut le plus difficile de la compétition à son premier envol, un périlleux arrière avec deux vrilles, en plus de signer le troisième meilleur temps de la ronde. Il a rendu hommage aux spectateurs, qui ont encouragé bruyamment les quatre bosseurs québécois. «J'adore compétitionner à la maison. Ils sortent le meilleur de moi. C'est incroyable. Et je ne serai pas tout seul à gagner l'or. On est venus en équipe et on va sortir en équipe.»

Vingt-quatre heures après que la médaille d'or eut glissé entre les doigts de sa conjointe Jenn Heil, qu'il entraîne également, le coach de Bilodeau, Dominick Gauthier, était survolté.

«Je sais depuis le début qu'il peut gagner. C'est un Dale Begg-Smith, un Jennifer Heil, un Jean-Luc Brassard. Il y en a très peu comme ça. Il a été capable de gérer la pression additionnelle d'être à la maison. Il est cool et vraiment relax depuis deux semaines. Plusieurs personnes disaient que puisqu'il n'avait pas encore de victoire cette année, ce ne serait peut-être pas possible pour les J.O. Lui, ça ne le dérangeait pas.»

Gauthier espérait que la médaille d'or de Bilodeau, et celles qui suivront, seront l'occasion pour la société de renforcer son appui au sport. «Ça va être nos plus beaux Jeux. Il faut que ça incite les jeunes à faire du ski acrobatique, à faire du sport. Il faut que ça incite les gouvernements à embarquer encore plus et le privé encore plus. Ça va être le moment où le Canada n'aura jamais été aussi fier. Il faut profiter de ce moment-là.»

Poussé hors du podium par Bilodeau, Vincent Marquis était partagé entre les larmes et le sourire. «Je suis heureux, je ne peux pas être déçu. Malheureusement, je me suis mis des bâtons dans les roues en me qualifiant 13e ce matin. J'étais un peu nerveux parce que c'étaient mes premiers Jeux. Je ne me suis pas laissé aller.» Il y est parvenu en finale, retranchant presque deux secondes à son chrono des qualifications.

Quant à Pierre-Alexandre Rousseau, il avait le sourire fendu jusqu'aux oreilles. Finalement qualifié pour les Jeux olympiques à sa quatrième tentative, l'athlète de Drummondville avait l'impression d'avoir donné tout ce qu'il pouvait. «J'avais une chance en 14 ans, avec toute la pression du monde sur les épaules et j'ai livré la performance de ma vie. C'est juste que ce n'était pas assez pour gagner aux Jeux olympiques.»