Jenn Heil a tout donné, mais le Canada devra attendre au moins une autre journée pour mettre fin à sa longue disette.

Quatre ans après avoir gagné l'or à Turin, la skieuse de 26 ans avait l'occasion de devenir le premier athlète du pays à gagner une médaille d'or lors de Jeux olympiques tenus en sol canadien.Mais sous une pluie battante et sur la neige mouillée d'une piste balayée par de forts vents à Cypress Mountain, hier soir, Heil n'a pu exorciser les vieux démons des Jeux de Montréal et de Calgary. Devancée in extremis par l'Américaine Hannah Kearney, elle a finalement remporté la médaille d'argent lors de l'épreuve de bosses des JO de Vancouver.

Une autre Américaine, Shannon Bahrke, a complété le podium, deux rangs devant la surprenante benjamine de l'équipe canadienne de ski acrobatique, Chloé Dufour-Lapointe, de Montréal.

Après la course, Heil, qui en est à ses troisièmes et derniers Jeux, affichait son sourire habituel. Sa médaille - la première du Canada à Vancouver - était tout sauf un prix de consolation, même si ses quatre victoires consécutives avant les Jeux avaient fait d'elle la favorite. «J'ai bien sûr essayé d'aller chercher l'or, mais j'ai vraiment impression d'avoir gagné l'argent», a-t-elle dit.

Avant-dernière à s'élancer en finale, Heil a très bien skié, dévalant la pente en 27,91 secondes, à peine cinq centièmes de plus que Kearney, qui la suivait au portillon de départ.

Mais l'Américaine du New Hampshire, dont la mère est native de Montréal, était déterminée à faire oublier sa décevante 22e place à Turin. Elle a fait un sans faute, réussissant ses deux sauts à la perfection et maintenant une forme idéale dans les bosses. Son pointage de 26,63, le meilleur de sa carrière, lui a donné une avance considérable, et méritée, de 0,94 points sur Heil.

Originaire de la région d'Edmonton et établie à Montréal depuis six ans, Heil a skié devant une foule conquise, parmi laquelle figurait le premier ministre Stephen Harper, qui s'est brièvement entretenu avec elle après l'épreuve. «En haut de la piste, c'était incroyable. J'étais vraiment excitée d'avoir cette occasion, je me trouvais chanceuse d'être là avec le pays en bas avec moi. Sérieusement, cette médaille est pour le Canada», a-t-elle dit, avant de rendre hommage à son entraîneur et conjoint, Dominick Gauthier, co-fondateur de B2Dix, une société qui appuie Heil et une vingtaine d'autres athlètes canadiens de haut niveau. «Je suis ici à cause de Dominick. Je n'aurais aucune chance sans son aide et sa passion pour le sport.»

Gauthier, 17e en bosses aux Jeux de Nagano, ne cachait pas son admiration lui non plus. «Ce qu'elle a fait est extraordinaire. Je suis vraiment fier. Dans notre sport, on n'a pas de deuxième chance. On a un événement, une chance. J'ai été impressionné de voir comment elle a géré toute la pression qu'elle a eue à l'approche de Jeux. Moi, comme athlète, j'aurais été incapable de vivre avec ça.»

Heil entend poursuivre sa carrière jusqu'aux championnats du monde de 2011, qui auront lieu à Deer Valley, en Utah, a indiqué Gauthier.

Un gros soleil

De son côté, Chloé Dufour-Lapointe rayonnait. Des larmes de joie inondaient son visage quand elle a rencontré les journalistes. À 18 ans, sa cinquième place (23.87) est un résultat aussi inespéré que prometteur pour le prochain cycle olympique, qui culminera aux Jeux de Sochi, en 2014.

Neuvième après la ronde de qualification, elle s'est préparée pour la finale en dansant à l'abri des regards, du Lady Gaga dans les oreilles. «En entendant la foule en haut du parcours, toute l'énergie positive qu'elle dégageait, je me suis dit, «ils veulent un show, je vais leur en donner un!» Je ne me rappelle même pas de ma descente. Et quand je ne m'en rappelle pas, ça veut dire que j'ai fait une bonne job.»

La météo dantesque qui sévissait à Cypress ne l'a pas dérangée le moins du monde. «Il y avait un gros soleil dans ma tête. Ce n'était pas quelque chose qui pouvait m'affecter», a-t-elle dit, avant d'être enlacée par ses parents.

La troisième Canadienne, Kristi Richards, de Summerland, en Colombie-Britannique, a chuté en milieu de parcours. Elle s'est néanmoins relevée, a remis le ski qu'elle avait perdu puis, après une longue pause, a complété sa descente avec un spectaculaire périlleux arrière avec une vrille complète. Un beau geste, fort apprécié par la foule, qui n'a jamais perdu son enthousiasme, même après avoir passé une éternité sous une pluie glaciale.