Il y a longtemps que Pierre-Alexandre Rousseau roule sa bosse sur le circuit de la Coupe du monde de ski acrobatique. Treize longues années, en fait, au cours desquelles par trois fois, l'ancien champion du monde a échoué à se qualifier pour les Jeux d'hiver. Vivra-t-il finalement son baptême olympique à Vancouver, le mois prochain? Il semble que oui... si tout va bien.

En vertu du complexe système de qualification qui oppose bosseurs, sauteurs et skieurs cross canadiens, Rousseau ne peut pas encore crier officiellement victoire. Si Dave Duncan ou Davey Barr montent sur le podium en ski-cross, dimanche, et si le bosseur Maxime Gingras fait un top 8 aujourd'hui, et si... en fait, les variables sont trop nombreuses pour qu'on tente de toutes les énumérer ici.

Mais Rousseau est bien placé, cela ne fait pas de doute, surtout que Duncan et Barr ont nui à leur cause en terminant respectivement neuvième et treizième de l'épreuve de Blue Mountain, hier. «Je suis sûr à 95% d'aller aux Jeux», a résumé Rousseau, mardi soir, lors d'une entrevue à Lake Placid, où a lieu cet après-midi la dernière Coupe du monde de bosses comptant dans le processus de sélection.

Après une longue et brillante carrière aussi marquée par son lot d'épreuves, de déceptions et de revers de fortune, ce ne serait que justice pour l'athlète de Drummondville. Surtout que le temps file. À 30 ans, il n'en a plus pour une éternité sur le circuit. «C'est ma dernière chance d'aller aux Jeux», reconnaît-il.

Sa première occasion remonte aux Jeux de Nagano, en 1998. Dixième au classement de la Coupe du monde, il avait néanmoins raté sa qualification. Quatre ans plus tard, il s'était fracturé la sixième vertèbre cervicale à moins d'un mois des Jeux de Salt Lake City et avait dû faire l'impasse sur le rendez-vous olympique. Il s'en était même fallu de peu pour qu'il reste paralysé. Mais son dos a guéri et il a rebondi, terminant deuxième au classement de la Coupe du monde la saison suivante.

Une année difficile

Les Jeux de Turin auraient pu être son moment de gloire. Ça ne s'est pas passé comme ça. Après une rupture douloureuse avec son entraîneur et ami Dominick Gauthier, aujourd'hui coach d'Alexandre Bilodeau et de Jennifer Heil, Rousseau a touché le fond, perdant même sa place au sein de l'équipe nationale.

«L'année 2006 a été super difficile. Le capital de sympathie de 2002 n'était plus là. Le jugement, c'était que j'étais trop vieux, que j'étais fini. Ils avaient oublié que j'avais réussi à revenir d'une épreuve difficile et que j'avais la recette pour surmonter l'adversité.» Ce qu'il a fait brillamment en étant couronné champion du monde à Madonna di Campiglio, en 2007.

Mais il n'avait pas encore épuisé sa réserve de malchance. À la fin de la saison dernière, à La Plagne, en France, il s'est fracturé une omoplate et une côte lors d'une chute spectaculaire à l'atterrissage de son deuxième saut. Il est resté trois mois sur le carreau, incapable de remonter sur ses skis. «C'était pire qu'en 2002. Je suis retombé à zéro. Si ça m'était arrivé à l'époque, ça aurait été une montagne insurmontable, à moins d'un an des Jeux. Là, j'ai pris ça avec un grain de sel.»

Six semaines de surf lui ont permis de renforcer son épaule et il a rechaussé ses skis en août. Cet hiver, une dixième place à Calgary et surtout une huitième position à Deer Valley, au cours des deux dernières semaines, ont prouvé qu'il pouvait encore flirter avec l'élite mondiale, au point d'être maintenant aux portes de Vancouver. Plus vieux, plus mature, mais au fond, toujours le même, éternel esprit libre. «J'ai pris de mauvaises décisions à certaines étapes de ma vie, mais je les ai toujours assumées», dit-il.

Les vieilles rancoeurs sont depuis longtemps oubliées. «En 13 ans en Coupe du monde, je n'ai jamais vécu quelque chose comme ça», dit-il au sujet de l'équipe masculine de bosses, qui comprend entre autres les Québécois Alexandre Bilodeau, Vincent et Philippe Marquis, Maxime Gingras et Cédric Rochon. «Tout le monde s'entend, on est vraiment soudés. C'est exceptionnel. Il y a un grand respect entre les plus jeunes et les plus vieux. On grandit ensemble et on se pousse les uns les autres, sans qu'il y ait de frictions.»

Quoi qu'il arrive, Rousseau reste fier de ce qu'il a accompli. «C'est super émotif. Quand tu fermes tes yeux et que tu repenses à tout le chemin que tu as parcouru, c'est quelque chose de grand et de beau. Surtout que je suis présentement à mon summum comme performer. Je n'ai jamais été aussi fort. C'est trippant d'avoir une chance de monter sur le podium.»