Charles et François Hamelin auraient pu écrire l'histoire au Pacific Coliseum de Vancouver, samedi soir. Une stratégie controversée a toutefois réduit à néant leurs chances de médailles en finale du 1000 mètres sur courte piste.

Qualifiés tous les deux pour la finale et gonflés à bloc par une foule bruyante et partisane, les deux patineurs de Sainte-Julie rêvaient de partager le podium. Ils en ont été quittes pour une amère déception, Charles terminant quatrième, juste devant François, au terme d'une course remportée par le Coréen Jung-Su Lee.

Les deux frères n'ont laissé aucun doute quant à leurs intentions, Charles prenant rapidement la tête de la course, juste devant son frère, pendant que Lee, son compatriote Ho-Suk Lee et l'Américain Apolo Anton Ohno adoptaient une position attentiste à l'arrière.

L'effort déployé pour tirer le peloton dans les deux premiers tiers de cette épreuve de neuf tours a toutefois fini par les rattraper, et les Hamelin ont été doublés en fin de course, Ho-Suk Lee obtenant la médaille d'argent et Ohno celle de bronze. «La stratégie était d'aller en avant et de se donner une bonne vitesse, a expliqué Charles après la course. Mais j'ai été trop vite. Avec la foule et le bruit, j'avais de la difficulté à entendre les gens derrière moi et de voir où ils étaient. Ç'a fait en sorte que j'ai utilisé trop d'énergie et que j'ai manqué de jus à la fin.»

L'aîné des frères Hamelin a utilisé cette stratégie avec succès dans le passé, notamment lors de la Coupe du monde de Montréal, en novembre, ce qui lui avait permis d'établir un record du monde. «Cette stratégie marche assez souvent pour moi. Je sais que je suis capable de mener de bout en bout. C'est juste la vitesse au début qui m'a tué.»

Stratégie critiquée

Plusieurs hauts-gradés du Comité olympique canadien assistaient à la course, dont la chef de mission Nathalie Lambert, triple médaillée olympique en courte piste. «Je n'ai pas compris la stratégie de partir aussi vite en avant avec des patineurs de ce calibre-là. Avec une stratégie différente, on aurait gagné une médaille.»

Lambert n'était pas la seule. D'autres observateurs avertis du patinage de vitesse sur courte piste étaient pour le moins perplexes devant l'approche, peut-être trop prévisible, adoptée par les Hamelin et leurs entraîneurs.

L'un d'eux se demandait notamment pourquoi on n'avait pas confié à François, un peu moins puissant que son frère, le mandat de mener en début de course, ce qui aurait permis à Charles d'économiser des forces pour le sprint final. «Mais, bon, ça aurait forcé François à se sacrifier. Ils y sont allés tous les deux pour le podium et on doit respecter ça.»

Il faut dire que le calibre de l'opposition était particulièrement relevé. Jung-Su Lee est premier en Coupe du monde. Ho-Suk Lee est champion du monde en titre sur la distance et a gagné l'argent à Turin en 2006. Et Ohno, médaillé d'argent dans le 1500 m il y a quelques jours, en était à la septième médaille olympique de sa carrière. «C'est une des courses les plus difficiles dans ma vie, a dit Charles. Il y avait cinq des six meilleurs au monde (sur 1000 m). C'est exceptionnel, parce qu'il y a souvent des petites erreurs, des accrochages ou des disqualifications de l'un ou l'autre, et la finale finit par être moins relevée que les demi-finales. Mais pas ce soir.»

Devant les journalistes, les frères ont fait contre mauvaise fortune bon coeur. Les deux pourront tenter de se reprendre dans le relais, tandis que Charles aura aussi une autre chance dans le 500 m, dont les préliminaires auront lieu mercredi. «C'est un moment mémorable, faire la finale tous les deux, a dit François. On n'a pas de médailles, mais on a de quoi être fiers. On a accompli de grandes choses. Le scénario idéal aurait été qu'on monte les deux sur le podium. Ce n'est pas arrivé, mais on peut ressortir de la journée tête haute.»

Avec, tout de même, sûrement, le sentiment d'avoir laissé passer une occasion unique.