L'équipe olympique canadienne de patinage artistique, «la plus forte jamais assemblée depuis mes années dans le monde du patin», dixit William Thompson, patron de la fédération, sera composée pour la moitié de représentants québécois. L'objectif à Vancouver: deux médailles, soit une de plus qu'à Turin quatre ans plus tôt. De retour des championnats nationaux de London, La Presse revient sur le parcours des olympiens québécois.

Une relation amoureuse qui finit. Après un temps, la fille s'entiche d'un ami de son ex. Les histoires de coeur sont souvent compliquées à gérer, les pots cassés difficiles à recoller. Imaginez quand il faut se retrouver tous les jours à la patinoire et continuer à travailler littéralement main dans la main.

Jessica Dubé et Bryce Davison auraient pu s'entre-déchirer après une séparation douloureuse il y a deux ans. Finalement, leur histoire personnelle a servi de moteur à un programme libre, qui, espèrent-ils, les mènera jusqu'au podium le mois prochain aux Jeux olympiques de Vancouver.

«Ç'a toujours été notre but ultime. On garde ça en tête et on y va pour ça», racontait Dubé, samedi, après avoir conquis un troisième titre national chez les couples aux championnats canadiens de patinage artistique de London.

Après un début de saison en dents de scie, Dubé et Davison ont enfin livré le programme libre auquel ils aspiraient. Un sans faute ou presque. La foule s'est levée avant la fin, les frissons ont surgi, les mouchoirs sont sortis. La trame dramatique, inspirée du film The Way We Were, avait fait mouche.

«L'histoire du film raconte un peu l'histoire de Bryce et moi dans la vraie vie, a mentionné Dubé. Quand on embarque sur la glace, on essaie de faire vivre cette histoire-là aux gens. À date, ça marche bien.»

Le flash est venu à leur entraîneuse Annie Barabé aux Mondiaux de Los Angeles, en mars dernier. Médaillé de bronze à Göteborg un an plus tôt, son couple venait de dégringoler à la septième place. Déçue par l'accueil général réservé à leur chorégraphie durant la saison, elle cherchait une idée forte comme le Love Story de Jamie Salé et David Pelletier: «Ça prenait une histoire d'amour où ils ne finissent pas ensemble... mais qui finit bien pareil.»

Barabé a tout de suite pensé à The Way We Were (Nos plus belles années en version française), le classique de 1973 avec Barbra Streisand et Robert Redford. «Quand Annie et le chorégraphe (David Wilson) nous en ont parlé, on a ri un peu, a admis Davison, un Ontarien d'origine. Mais on a regardé le film et maintenant qu'on connait l'histoire, c'est exactement ce qu'on a vécu.»

Sauf qu'il fallait recoller les deux patineurs, qui avaient fait chacun à leur tête pendant presque toute l'année à l'entraînement. «Leur relation était malsaine, a confié Barabé. Leur résultat aux Mondiaux a été une claque dans la face.»

Le psychologue sportif Sylvain Guimond a joué un rôle important dans le processus de réconciliation. Un jour, il les a mis ensemble dans une auto et leur a dit: soit vous vous entendez, soit vous arrêtez. «Ils sont revenus deux heures plus tard et c'était réglé», dit-il.

Davison raconte: «On s'est dit: pourquoi se battre l'un contre l'autre alors qu'on veut la même chose? Depuis, on travaille ensemble, en équipe, et c'est bien plus facile.»

Leur performance à London est l'élan dont les champions canadiens avaient besoin à moins d'un mois des Jeux de Vancouver. «C'est bien parti. Si on continue sur le même chemin, on sait que ça va bien aller», a prédit Dubé, dixième à Turin.

Anabelle Langlois, de Hull, et Cody Hay, d'Edmonton, composeront le deuxième couple canadien à Vancouver. Ils ont assuré leur qualification en devançant le vétéran Craig Buntin et sa partenaire Meagan Duhamel à London.

Le solide Buntin, qui s'en voulait amèrement d'avoir raté son triple Axel, était inconsolable quand les résultats ont été annoncés samedi après-midi. Le protégé de Richard Gauthier au club de Saint-Léonard a bien failli se retirer quand son ancienne partenaire Valérie Marcoux s'est arrêtée après Turin. La route a été tortueuse - blessure de Duhamel en novembre - et le nouveau duo touchait presque au but. Âgé de 29 ans et originaire de la Colombie-Britannique, Buntin savait qu'il n'y aurait pas de prochaine fois. La voix étranglée, il a galamment souhaité bonne chance aux deux autres couples.

Pour Langlois, c'est un retour aux Jeux après une première participation à Salt Lake City en 2002. Elle prévoit savourer davantage l'expérience, surtout après la fracture à une cheville qui a bien failli anéantir ses chances.

«En 2002, je n'avais jamais même été aux Mondiaux, a rappelé l'athlète de 28 ans. C'était donc comme une grosse surprise. J'étais vraiment heureuse d'être là et de représenter le Canada, mais c'était un peu irréel. Quand on m'avait demandé à l'époque si j'irais à Vancouver, je disais: bien non, je serai bien trop vieille. Eh bien, je ne me sens pas vieille! Je suis juste vraiment contente.»