Le lugeur Nodar Kumaritashvili a appelé ses parents un peu avant sa descente d'entraînement le jour de l'ouverture des Jeux olympiques. «Vous allez être très fier de moi», leur a dit le jeune homme de 21 ans. C'est la dernière fois qu'il leur a parlé.

Le président de la Géorgie, Mikheil Saakashilvi, a raconté cette histoire cet après-midi en conférence de presse à Vancouver. Les parents du lugeur mort à l'entraînement ont de quoi être fiers de lui, a-t-il lancé devant une salle remplie de journalistes.

Un jeune coéquipier de Nodar, Omar Japaridze, était assis aux côtés du président à la table de presse. «Nous sommes encore sous le choc», a-t-il dit d'entrée de jeu. Le jeune homme portait un brassard noir par-dessus son manteau d'athlète. «Notre équipe va poursuivre le rêve de Nodar. Nous ferons de notre mieux à ces Jeux olympiques», a-t-il promis, l'air ébranlé.

La délégation géorgienne est composée de huit athlètes (sept aujourd'hui), dont deux viennent du même village que Nodar: Bakuriani. «C'est une grande tragédie pour ce petit village», a souligné le secrétaire général de la délégation, Ramaz Goglidze. Le jeune athlète rêvait de devenir champion du monde.

Le président géorgien avait l'air contrarié par certaines remarques faites sur l'inexpérience du jeune lugeur depuis sa mort. «Il y a des olympiens chevronnés qui ont eu aussi de la difficulté sur cette piste en entraînement», a-t-il dit, en admettant du même souffle qu'«on pouvait toujours avoir plus d'expérience». Le père de l'athlète a aussi pratiqué ce sport, a-t-il souligné. Et son oncle a été l'entraîneur de luge de l'équipe de France. «Son oncle ne l'aurait pas poussé à faire cette compétition s'il n'était pas prêt», selon le président.

Le jeune lugeur géorgien s'est tué lors d'une descente d'entraînement à 140 km/h. Il est sorti de la piste et a heurté de plein fouet un poteau métallique. La dangerosité de cette piste de luge, considérée comme la plus rapide jamais construite, avait déjà été soulevée avant cet accident tragique.

Le président de la Géorgie refuse de blâmer le Comité organisateur des Jeux de Vancouver ou la Fédération internationale de luge pour le décès de l'athlète. Mais il se demande si les plaintes formulées par certains entraîneurs et athlètes sur la vitesse de la piste avant les JO n'auraient pas dû être davantage prises au sérieux. «Il faut tout faire pour éviter que ça se produise. Il faut écouter les sportifs et des entraîneurs, c'est la leçon à tirer», a-t-il dit.

La Géorgie veut construire une piste de luge dans le village natal de l'athlète en la mémoire du disparu. Ce petit pays du Caucase devenu indépendant en 1991 a connu de graves difficultés économiques. Ses rares installations sportives sont désuètes, a reconnu le président.

Nodar Kumaritashvili ne pouvait pas s'entraîner dans son pays à cause de cela. Il s'entraînait en Italie et en Allemagne, entre autres. «Cet accident ne sera pas dissuasif (pour nos jeunes athlètes), au contraire», a lancé le président.

La délégation géorgienne a décidé de participer aux Jeux, malgré la perte d'un des leurs. «C'est la bonne décision à prendre. L'esprit olympique est fait de persévérance», a noté le président qui parle couramment français.

Le président n'a pu s'empêcher de faire de la politique durant la conférence de presse. «Des pays de notre région devraient s'inspirer des valeurs de solidarité et de l'esprit d'humanité dont on a fait preuve le Canada depuis l'accident de Nodar», a-t-il dit. En août 2008, la Géorgie s'est engagée dans un conflit avec la Russie et les armées d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud. Elle a perdu cette guerre-éclair. La Russie a alors reconnu l'indépendance d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud. La Géorgie les considère comme des « territoires sous occupation russe».