Mes Jeux ont commencé dans les larmes.

Les larmes commandées pour les caméras que Jacques Rogge s'est assuré de mettre bien en évidence en retirant solennellement ses lunettes après avoir confirmé la mort du lugeur géorgien Nodar Kumaritashvili.

Les larmes tombées du ciel alors que de la pluie, beaucoup de pluie, et pas l'ombre d'une brindille de neige, a noyé le début des Jeux dits d'hiver.

Les larmes, ô combien belles celles-là, du skieur Alexandre Bilodeau et de son frère s'étreignant avec un amour impossible à feindre après la première médaille d'or canadienne remportée en sol canadien.

Les larmes et les Jeux vont de pair. Depuis toujours. Dans la fierté de la victoire, dans l'agonie de la défaite.

Si j'ai pleuré?

Trois fois, mon Père.

Lorsque les activités ont cessé dans le grand magasin La Baie du centre-ville et que tous les clients et badauds ont levé les yeux sur les dizaines d'écrans géants qui ont retransmis le programme long de Joannie Rochette.

Lorsque j'ai appelé mes gars Étienne et Arnaud pour leur souhaiter un bon 12e anniversaire de très loin, de trop loin.

Lorsque, trois jours plus tard, leur grande soeur Mathilde m'a appelé avant de quitter pour l'école pour me souhaiter un bon 47e au beau milieu d'une autre nuit trop courte dans ma petite chambre du chic motel Days Inn.

Ah, le Days Inn. Pas si pire que ça, le Days Inn. Surtout que le sort m'a favorisé. La petite fenêtre de ma chambre 215 ne donnait pas sur le McDo.

Elle donnait sur les montagnes qui me servaient de baromètre chaque matin. Si je voyais les sommets, la journée serait ensoleillée. Si les sommets étaient enveloppés de nuages et sous la pluie, ma fenêtre m'assurait que ce serait gris jusqu'à la nuit.

Mes Jeux, c'est aussi des gens. Surtout des gens. Aimables, fiers de recevoir les Jeux, toujours prêts à aider. Des fois trop...

Des gens qui inondaient les rues de cette ville si belle quand il y fait beau et qui trouvaient le moyen de mettre un peu de soleil dans les trop nombreuses journées grises.

Des gens comme Derek Jory, jeune journaliste qui travaille pour le site internet des Canucks, à côté de qui j'ai passé plus de temps au cours des 16 derniers jours qu'avec ma famille depuis les Fêtes. Des gens comme Marc Denis, oui, oui, l'ancien gardien de la LNH, une révélation à titre d'animateur de foule à la Place hockey du Canada.

Et des joueurs de hockey. Beaucoup de joueurs de hockey. Des connus, des moins connus, des pas connus du tout et quelques-uns qui gagneraient à être connus.

Des joueurs comme Mark Streit qui avait des allures de Raymond Bourque tant il trônait à la ligne bleue de cette belle équipe de la Suisse.

Comme Tore Vikingstad, qui patine plus lentement que Guillaume Latendresse, mais qui marque des buts en plus d'avoir un nom à faire rêver n'importe quel gamin partant à la conquête du monde dans une cour d'école.

Comme Jonathan Toews qui sera un jour, et un jour pas si lointain, le meilleur joueur de la LNH.

Comme Saku Koivu, qui m'a serré la main avec vigueur dans la zone d'entrevue après que je l'eus félicité pour sa quatrième médaille olympique. Un record. Au hockey masculin.

Comme Teemu Selanne, qui m'a accordé l'une de mes premières entrevues en carrière et qui a confirmé avoir disputé son dernier match olympique.

C'est donc vrai qu'on vieillit.

Mais voilà, après 27 matchs d'un tournoi qui n'aura pas rempli toutes ses promesses en fait de qualité de hockey offert, me voici bien assis une heure avant la mise en jeu de la grande finale opposant le Canada et les États-Unis.

Mes Jeux? Ils commencent!