Clara Hughes a souvent dit que la détermination et la passion de Gaétan Boucher aux Jeux de Calgary l'avaient inspirée à se lancer à la poursuite de son rêve olympique.

Vingt-deux ans plus tard, le point d'exclamation final qu'elle a mis, hier, à son extraordinaire carrière sportive devrait en toute logique inspirer une nouvelle génération d'athlètes.

Dix jours après avoir signé une étonnante cinquième place dans le 3000m longue piste, la patineuse de Glen Sutton est montée sur le podium pour la sixième fois de sa carrière en remportant la médaille de bronze dans le 5000m, l'épreuve qu'elle avait gagnée aux Jeux olympiques de Turin.

Il y a quatre ans, Hughes s'était écroulée en franchissant la ligne d'arrivée. Vidée, crevée, le réservoir à sec. Cette fois, non. Elle a levé la tête, a vu son temps, 6:55,73, un nouveau record de piste. Et elle a levé les deux bras dans les airs, avant de serrer le poing plusieurs fois - Yes! Yes! Yes! - un grand sourire éclairant son visage rosi par l'effort déployé pendant 12 tours et demi à l'Anneau olympique de Richmond.

Deux de ses rivales, la Tchèque Martina Sablikova (6:50,91) et l'Allemande Stephanie Beckert (6:51,39) se sont empressées d'abaisser sa marque et ont respectivement gagné l'or et l'argent. Mais cela n'a pas amoindri d'un iota la joie de Hughes, qui s'est mise à jogger gaiement autour de l'anneau pour saluer la foule qui venait de lui donner des ailes.

«J'aurais pu finir cinquième aujourd'hui que ça n'aurait rien changé. J'ai vraiment donné le meilleur de moi-même, a dit Hughes après coup. Quand tu es battue par des filles qui sont meilleures, tu es battue. Ce sont deux phénoménales jeunes patineuses pour qui j'ai beaucoup de respect. Mais je ne suis pas trop pire pour une vieille dame!»

«Je suis très fièred'être parmi eux»

De fait, à 37 ans, Hughes est devenue la deuxième plus vieille médaillée olympique de l'histoire du patinage de vitesse. Elle a aussi égalé le record canadien de sa coéquipière Cindy Klassen en remportant la sixième médaille de sa carrière aux Jeux. Mais elle n'avait pas envie de jouer le jeu des comparaisons.

«Cindy Klassen a gagné cinq médailles en une seule quinzaine olympique. C'est phénoménal. J'ai gagné des médailles en hiver et en été lors de quatre Jeux différents. Ce n'est pas pareil. On ne devrait pas comparer. Je pense à Gaétan Boucher ou à Marc Gagnon, à tous les grands patineurs et athlètes de ce pays. Je suis juste fière d'être parmi eux.»

Pour Hughes, les médailles n'ont jamais été une fin - seulement une conséquence heureuse de sa recherche constante de la course parfaite, de l'effort idéal. C'était vrai quand elle a gagné le bronze du contre-la-montre et de la course sur route aux Jeux d'Atlanta. C'était vrai quand elle a gagné le bronze du 5000 m à Salt Lake City, 17 mois à peine après être revenue au patinage de vitesse, un sport qu'elle avait abandonné à la fin de l'adolescence. C'était vrai à l'Oval Lingotto de Turin, en 2006. Et c'était vrai hier, devant une foule bruyante au sein de laquelle se trouvait sa mère Maureen, qui assistait pour la première fois à l'une de ses courses.

«C'est un boni d'avoir gagné une des ces superbes médailles, mais je suis plus fière de la façon dont 'ai patiné aujourd'hui, a dit Hughes. J'étais concentrée, j'étais prête et j'ai juste savouré le merveilleux mouvement du patinage pour la dernière fois de ma vie.»

Elle a été régulière comme une horloge, restant sous les 34 secondes même lors de son dernier tour, quand l'acide lactique qui plombe les jambes peut si facilement détraquer les mécaniques les mieux huilées. «Je me sentais vraiment calme. Je voulais y aller plus fort, mais je savais que si je faisais ça, je perdrais mon rythme et l'efficacité de mes enjambées et de ma technique. Je n'ai fait que patiner. Pour la première fois depuis longtemps, je me suis pas battue avec moi-même sur la glace.»

Dans les tranchées

Le chemin qui a conduit Hughes de Turin à Vancouver a été parsemé d'épreuves. Elle est venue près de laisser sa peau dans un accident de voiture sur la rive sud de Montréal. Mais surtout, elle s'est battue avec elle-même sur la glace, sa technique la désertant pendant de longs moments.

«Je suis très fière, parce que ça n'a pas été facile. J'ai passé les quatre dernières années dans les tranchées, à lutter pour revenir au plus haut niveau, pour trouver la technique pour devenir une meilleure patineuse de vitesse. Et ça n'a pas toujours fonctionné. Quatre ans de combat m'ont conduite aux Jeux et à deux belles courses dont je suis fière.»

Deux courses, qui sait, qui pourraient motiver des jeunes à imiter leur idole. «J'espère inspirer les jeunes à avoir des rêves. Pas juste de devenir des athlètes, mais d'avoir des buts dans la vie, que ce soit dans le sport, la musique, les arts ou l'éducation. Juste d'avoir une vie positive qui signifie quelque chose pour soi-même. C'est l'exemple que j'espère donner, pas juste pour les jeunes athlètes, mais les jeunes en général.»

Mission accomplie.