Je sortais de l'ancien Hotel Vancouver où le Canadien descendait dans les années 70 et j'essayais de retrouver des images de l'époque. Il me semble qu'on voyait l'eau en marchant vers Waterfront.

Il faisait un soleil magnifique. Dans ma tête baignée par l'anglais, j'ai pensé gorgeous. Et je me suis dit que s'il continuait à faire beau, on aurait droit à la télévision américaine et internationale à une suite de from gorgeous Vancouver dans les reportages sur les Jeux.

Même chose dans les journaux. Quand il fait soleil, Vancouver prend une dimension toute différente de la ville noyée sous la pluie qu'on a connue depuis le début des Jeux. On va lire beaucoup de gorgeous Vancouver.

Je marchais et je me disais que les journaux britanniques avaient grossièrement exagéré en parlant des « pires Jeux de l'histoire ». Il y a eu des pépins, la resurfaceuse a cafouillé à l'anneau de glace, la pluie a dévasté Cypress Mountain, il y a des autobus qui sont tombés en panne, mais il n'y a rien là-dedans pour rappeler les horreurs de Lake Placid et d'Atlanta. Au moins, on a su corriger les pannes.

Et vaut mieux quelques autobus en panne dans les premiers jours que trois semaines de balades en autobus scolaire comme ce fut le cas aux Jeux de Los Angeles.

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Je sortais du match Canada-Suède l'autre soir. Faisait encore clair. C'était bon. À peine frais. Je suis monté dans un bus, mais tout de suite, on m'a demandé d'aller dans un deuxième. Il était en panne et on venait de demander une remorqueuse. La plaque disait Alabama. Le deuxième autobus venait de la Louisiane. Des véhicules loués par le COVAN. C'est certain qu'il a fallu attendre 25 minutes. Mais notre chauffeur venait de La Nouvelle-Orléans, il avait 10 bonnes histoires à raconter à propos de la victoire des Saints et je me disais que l'esprit olympique, ça devait être un peu ça aussi, un chauffeur d'autobus de la Louisiane qui raconte le dernier Super Bowl avec un accent chantant à couper au bistouri.

Quand son confrère de l'Alabama est venu le retrouver en lui donnant du brother comme le bras et qu'il m'a dit qu'il venait de Mobile, ma journée était faite. Mobile, c'est la ville où s'en va chanter le jeune guitariste dans Guitar Man, la chanson d'Elvis.

Je me suis retrouvé au centre-ville vers 18 h. Les rues étaient pleines de piétons aux couleurs éclatantes. Bleu et or pour la Suède, des fois pour l'Ukraine, du rouge et bleu un peu défraîchis pour la Russie, beaucoup d'Américains et des Canadiens en rouge et blanc. C'est évident qu'ils étaient moins nombreux sous la pluie en fin de semaine dernière.

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Sur les lieux de compétition, c'est très bien organisé. Et puis, même si ce ne fut pas facile de convaincre le COVAN, tous les commentaires, toutes les présentations sont faits en anglais et en français. Impeccable.

Évidemment que Salt Lake City n'a jamais respecté la règle du bilinguisme que le CIO est censé imposer. Ni Nagano ni Lillehammer. Vancouver le fait plus que bien. Pour une bonne raison, les Jeux sont présentés au Canada, pays bilingue.

Personne n'a souligné à quel point les règles de sécurité sont appliquées avec discernement et politesse. Depuis Montréal que je faisais fouiller mon sac et mes vêtements 10 fois par jour. Ça ne m'est jamais arrivé à Vancouver. On considère que les enquêtes menées lors de l'accréditation ont fait la preuve que les journalistes n'étaient pas des terroristes.

Les salles de conférence sont adéquates, les rencontres avec le COVAN sont quotidiennes et un journaliste qui veut faire son job a les outils nécessaires.

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Rien ne résiste à la pluie. Même Wimbledon se morpionne quand il se met à pleuvoir tout le temps. Si ça recommence à tomber comme des clous, rien ne pourra sauver ces Jeux de la catastrophe. Mais si ce soleil perdure, je suis convaincu qu'on va avoir droit à de nombreux compliments dans une dizaine de jours.

S'il y a eu une erreur, ç'aura été de donner les Jeux d'hiver à une ville qui n'a pas d'hiver. Le feeling d'hiver était plus présent à Salt Lake City, à Nagano et à Calgary, malgré le chinook. Et Vancouver est vraiment une grande ville pour recevoir les Jeux d'hiver. La tradition de ces Jeux repose davantage sur des villes de neige comme Innsbruck, Albertville ou surtout Lillehammer, la référence absolue. La merveille des merveilles.

C'est pour ça que Québec serait un choix fabuleux. Les oreilles qui piquent en se rendant à une course de patins, c'est les Jeux d'hiver...

L'erreur irréparable des Jeux de Vancouver aura été commise pendant les cérémonies d'ouverture. Des centaines de millions de personnes avaient droit à une cérémonie servant de vitrine au Canada moderne. Vous savez ce qui s'est passé. J'espère que la cérémonie de clôture n'ajoutera pas l'injure à l'insulte.

Ça serait bête à pleurer.

DANS LE CALEPIN - Je regardais les joueuses de la Suède en milieu de deuxième période, ça devait être déjà 10-0 pour le Canada, et elles me faisaient pitié. L'équipe canadienne est tellement bonne, les filles sont tellement fortes et habiles, qu'à part les Américaines, personne ne va leur tenir tête au cours des prochaines années. Peut-être qu'elles doivent pousser la machine à fond, vous avez été plusieurs à me l'écrire. Ça se peut que le vrai respect consiste à tout donner même à 17-0. Mais peut-être qu'il faudrait trouver un moyen d'éviter d'humilier un adversaire qu'on invite à participer aux Jeux.