«C'est épouvantable, c'est tragique. Y a pas d'autres mots.»

La voix de Marcel Aubut, quelques minutes après la conférence de presse de Jacques Rogue hier, était triste. Les Jeux de Vancouver ne sont pas «ses» Jeux puisqu'il ne deviendra officiellement le président du Comité olympique canadien (COC) qu'en avril prochain. Mais après avoir gagné son élection de haute lutte l'hiver dernier, Me Aubut a fait ce qu'il fait d'habitude. Il s'est arrangé pour que les choses se fassent à sa façon. Le plus rapidement possible.

On a connu le jeune Marcel Aubut, président des Nordiques de Québec à 30 ans et des poussières. Il était surnommé le «Kid de la Grande Allée». On le trouvait sympathique et rafraîchissant avec ses ambitions de faire entrer les Nordiques de Québec dans la Ligue nationale.

 

On l'a trouvé audacieux et admirable quand il est allé chercher les frères Stastny derrière le Rideau de fer avec Gilles Léger. Mais quand ses Nordiques ont battu le Canadien dans les séries de 1982, on a commencé à le trouver pas mal moins drôle.

Puis, les Nordiques ont été vendus, Marcel Aubut a eu le coeur brisé au point de garder sur son pupitre un chèque de plusieurs millions, sa part de la vente de l'équipe. Il s'est consolé en allant déposer le chèque, mais il n'a jamais oublié les Nordiques. Et la fondation qu'il a lancée lors de la vente continue d'aider les athlètes amateurs en distribuant des bourses à chaque année.

Et le voilà président élu du Comité olympique canadien. Marcel Aubut de Saint-Hubert-de-Rivière-du-Loup.

Mais qui est le vrai Marcel Aubut?

Disons qu'il est plus complexe que l'image de fonceur absolu qu'il projette. C'est avant tout un homme de famille. À cause de la vie professionnelle qu'il a menée, ce ne fut pas toujours le cas. Les choses ont beaucoup changé. «J'ai pas eu le temps de voir grandir mes trois filles, je n'étais quand même pas pour manquer la deuxième chance», disait-il cette semaine en souriant.

Il faut le voir avec Tom Tom, son petit-fils. Le premier garçon de la dynastie. Un diablotin vif et sportif qui fait triper son grand-père avec ses réparties... et ses exploits. Comme il faut voir ses trois filles qui le chouchoutent et parfois le taquinent quand elles se retrouvent avec lui. Mélanie, avocate en droit du sport et du spectacle, vient d'avoir son troisième enfant. Julie, économiste, en est à son deuxième, et Catherine, d'abord psychologue, s'est tournée vers la médecine et complète son internat. Elle n'a pas encore eu le temps de se mettre aux couches.

N'empêche que ses amis taquinent Marcel Aubut. Trois belles filles, intelligentes et allumées, des gendres de grande classe et des petits enfants en superbe santé, lui qui a consacré sa vie à son travail et à ses projets, n'y a-t-il pas une petite injustice quelque part? Et tous ses amis répondent avant qu'il ne le fasse: «Dis merci à Francine!». C'est Francine Aubut, le ciment de la famille.

Le 5 janvier dernier, on s'est retrouvé une demi-douzaine dans un restaurant de West Palm Beach pour son anniversaire de naissance. Ce soir-là, Marcel s'est levé pour raconter la vraie histoire de sa campagne électorale pour la présidence du COC. Dans le fond, la phrase clé résume tout: «Tout le monde me disait que c'était impossible. Je me suis dit... ah oui? Et je suis parti en campagne. J'étais stimulé à mort par le défi». Et les yeux brillants, on a eu droit à un récit d'une bonne demi-heure. Très mouvementée la demi-heure...

Marcel Aubut a une douzaine de résidences à West Palm Beach, à Mont-Tremblant, à Montréal, au mont Sainte-Anne, à Paris... et même à Québec. En plus d'une pourvoirie. Il a une douzaine de voitures, six ou sept motos, des bateaux, des motoneiges et d'autres bébelles à moteur. C'est un amant de la vitesse et il a trouvé le moyen d'éviter les problèmes en embauchant des chauffeurs en permanence.

L'été, il organise depuis une douzaine d'années la Randonnée du kid. C'est une ride de motos avec une dizaine de ses amis et connaissances. C'est la randonnée de l'été, organisée et planifiée comme Marcel Aubut sait le faire. Autrement dit, on mange à 12h17, on soupe à 20h14 et on repart à 7h26 le lendemain matin! Mais on a toujours droit aux meilleurs hôtels et aux meilleurs restaurants.

Cet homme qui a des goûts de luxe est parfaitement à l'aise dans des conditions précaires. On s'est retrouvé lors de Grand Prix dans des taudis qui n'avaient rien d'un Super 8. Une serviette de coton pour les quatre jours et un lit de camp pour la nuit, c'était ça le confort. Ce furent toujours des voyages fabuleux parce que, disait-il, ça lui rappelait ses débuts.

Je le connais depuis 35 ans. Mais si vous voulez vraiment savoir qui est Marcel Aubut, je vais me permettre une petite anecdote.

Ça fait une quinzaine d'années. Je traversais une période rock and roll dans ma vie et je me sentais tout croche. Un vendredi soir, premier vendredi d'un célibat forcé, vers 16h, j'ai téléphoné à Marcel Aubut. Je suppose que je n'avais pas la voix trop assurée parce qu'il m'a lancé presque tout de suite: «T'es où? À l'Île-des-Soeurs? Parfait, je passe te prendre à 19h.»

À 19h, il arrivait en limousine. Évidemment. On est allé souper au centre-ville. Vers 22h30, il m'a demandé:

- Peux-tu venir me reconduire à Dorval?

- Tu vas coucher à Québec?

- Non. Faut que je retourne à Toronto. J'étais là quand t'as appelé...

Il avait pris le vol de 17h à Toronto pour venir souper avec son chum! Faut le faire.

Je dirais que c'est aussi Marcel Aubut. Il peut être féroce en affaires, il peut écraser ou enjôler ceux qui veulent l'empêcher d'atteindre un objectif, il peut être le plus dur négociateur au pays mais en même temps, il sait s'émerveiller devant un paysage ou un enfant, il sait se donner à fond pour corriger une injustice et si jamais vous êtes mal pris à trois heures du matin, n'importe où dans le monde, il est l'ami que vous allez choisir d'appeler. Parce que s'il y a un enfer à traverser pour venir à votre rescousse, il va le faire.

C'est cet homme qui prendra la tête du mouvement olympique canadien dans quelques semaines. C'est certain que ça va brasser. C'est certain que ça risque d'être extravagant certains jours. C'est certain qu'il y a des pieds qui vont se faire écraser. On ne refera pas Marcel Aubut à 60 ans. Mais c'est certain que j'aime ça.

DANS LE CALEPIN - Graham Fraser, le commissaire aux langues officielles, est arrivé à Vancouver. Il veut être un commissaire actif et proposer les améliorations qui s'imposent au fur et à mesure qu'il va constater les lacunes. C'est parfait. Certains lecteurs m'ont écrit des lettres enflammées concernant mon billet sur le français aux Jeux. Les Jeux sont disputés au Canada. COVAN s'est engagé à ce que les athlètes, les journalistes et le grand public puissent obtenir des services en français sur les sites des Jeux. Le français est une des deux langues officielles du pays. C'est une des langues officielles des Jeux olympiques. C'est évident qu'après plus de 30 ans de hockey, de Formule 1, de boxe, de baseball, de tennis ou de football, un journaliste puisse travailler en anglais. Mais ce n'est pas le point. Pourquoi demander le respect des droits du français dans ce pays, y compris pour les minorités en Ontario, au Manitoba, en Colombie-Britannique si personne ne l'exige? C'est juste ça. Exercer un droit. Sinon, mes amis Terry Jones du Edmonton Sun, Steve Simmons de Toronto, Tony Gallagher du Province à Vancouver et tous les autres, je les adore. Mais les choses sont claires.