La décision du gouvernement fédéral de maintenir son financement au programme «À nous le podium» au-delà des Jeux olympiques d'hiver de 2010 va faire le bonheur des milieux sportifs amateurs canadiens.

Cette initiative, mise sur pied lorsque les Jeux de 2010 ont été décernés à Vancouver, visait à aider le Canada à devenir la nation qui remportera le plus grand nombre de médailles à ces jeux. Le comité organisateur des Jeux de Vancouver (COVAN) s'était engagé à amasser la moitié de l'argent nécessaire au succès des athlètes canadiens.

On s'entend pour dire que ce programme de 117 millions $ CAN étalé sur cinq ans a fourni les moyens aux athlètes canadiens de lutter à armes égales avec les autres pays.

«Ce programme a fait une grosse différence pour que nos athlètes arrivent à Vancouver non seulement en santé mais au sommet de leur forme», a soutenu Dominick Gauthier, ancien olympien lui-même et entraîneur personnel de la championne olympique des bosses Jennifer Heil et de quelques autres athlètes.

«À nous le podium nous a permis de bénéficier d'une des meilleures équipes de spécialistes au monde - physiothérapeutes, massothérapeutes, etc. - que nous pouvons consulter peu importe où nous sommes.»

Et cela fait une différence énorme, selon Gauthier.

«Quand nos athlètes regardent les autres délégations au village olympique, ils peuvent se dire qu'ils ont obtenu tout le soutien qu'ils méritent, qu'on se bat à armes égales. C'est ce que nous n'avions pas avant.»

Le Canada a terminé troisième au total des médailles aux Jeux de Turin en 2006 avec une récolte de 24 médailles, dont sept en or. Mais il était seulement cinquième quand on prend en compte les médailles d'or.

Plan à long terme

Nicolas Fontaine, quadruple champion de la Coupe du monde des sauts et actuellement entraîneur de l'équipe canadienne de développement, est d'avis qu'on doit absolument poursuivre dans la voie tracée par le programme À nous le podium.

«Nous en avons besoin d'un tel programme pour Sochi en 2014 et pour les Jeux de 2018.»

Fontaine estime d'ailleurs que pour s'assurer d'une relève de qualité, il faut un plan à long terme. Et cela va bien au-delà d'un cycle de quatre ans.

«J'aimerais un plan à long terme pour les huit prochaines années. Notre problème au Canada, c'est qu'on met beaucoup d'argent, beaucoup d'effort sur nos athlètes actuels. Mais nous ne disposons pas du meilleur système de recrutement pour permettre à nos jeunes de se développer. Il faudrait plus d'argent pour ces jeunes, qui ne seront pas nécessairement prêts pour 2014. Mais il faut déjà penser à 2018», analyse Fontaine, en citant en exemple le système chinois de sports-études.

Prédictions hasardeuses

Même si la plupart des athlètes canadiens interrogés sur le sujet ne croient pas que le Comité olympique canadien a mis une pression indue sur leurs épaules en fixant l'objectif du premier rang au total des médailles, Jean-Luc Brassard, le champion olympique des bosses en 1994, convient qu'il est toujours hasardeux de faire des prédictions aux Jeux olympiques.

«Dans le contexte actuel, c'est un objectif certes réalisable pour les athlètes canadiens même si c'est un gros défi. Malgré toute la bonne volonté des athlètes et tous les bons entraînements, on affronte la crème de la crème aux Olympiques. Et c'est difficile de prévoir l'issue de chaque compétition.

«La difficulté avec les Jeux olympiques, c'est vraiment l'espace d'un moment, qui ne dure parfois que quelques secondes selon le sport. Et ça ne revient que tous les quatre ans. L'importance de ce moment crée une pression difficilement négociable mentalement pour l'athlète.»

L'ex-skieuse Mélanie Turgeon, qui a participé aux Jeux de 1994, 1998 et 2002, reconnaît elle aussi que cette pression peut être étouffante.

«Les Jeux olympiques, c'est gros. Tout le monde en parle. Tout le monde souhaite des médailles. Cette pression peut devenir sournoise. Tu penses être en contrôle de la situation mais ce n'est pas nécessairement le cas.

«Il faut se créer sa propre grosse bulle et mettre de côté les attentes de la population, des médias et se concentrer sur notre travail.»

Selon Brassard, ce n'est pas tant l'objectif du COC que la pression que l'athlète s'impose lui-même qui rend la tâche aussi ardue.

«De mon expérience, je sais que les athlètes sont sensibilisés au fait que tout le monde veut les voir gagner, de trôner au sommet du classement à la fin des Jeux. Mais les attentes de tous et chacun vont bien au-delà des objectifs du COC. Chacun veut l'avoir sa médaille, chacun ne s'est pas entraîné pendant quatre ans pour terminer 15e.»

Mais il prend soin d'ajouter que si jamais les athlètes ne parviennent pas à concrétiser l'objectif du COC, on aurait tort de parler d'échec.

«Ce sont des athlètes qui s'entraînent souvent seuls pendant quatre ans et qui soudainement se retrouvent sous les feux de la rampe. Ils ont désiré se retrouver dans cette position, il vont essayer de concrétiser l'objectif. Mais si ça ne fonctionne pas, il ne faudra pas leur en vouloir.»