La scientifique Christiane Ayotte, directrice du laboratoire antidopage de Montréal et qui dirigera celui des JO à Vancouver, estime que pour rendre les contrôles antidopage plus pertinents: «il faut penser comme un athlète qui voudrait se doper».

Q: Les instances antidopage insistent désormais plus sur la qualité des contrôles que sur la quantité. Comment rendre les contrôles plus pertinents ?

R: «Les tests font partie de l'arsenal dissuasif, et aussi policier puisqu'ils visent à exclure les athlètes ayant eu recours à des pratiques dopantes. Oui, la quantité demeure un élément important. Mais le timing l'est aussi: cibler les populations et sports à risque, diligenter des tests inopinés en fonction de soupçons qu'on a à un moment donné. Il faut aussi le faire le reste de l'année car certaines méthodes ou agents dopants peuvent être utilisés dans les mois précédents. Il faut penser comme un athlète qui voudrait se doper, ou quelqu'un qui veut doper un athlète en fonction des objectifs qu'il s'est fixés».

Q: Les semaines précédant les Jeux sont donc déterminantes ?

R: «Oui, tout à fait. C'est la période où tous les pays, toutes les fédérations internationales, et l'Agence mondiale antidopage (AMA) redoublent d'efforts. Evidemment, c'est le moment opportun pour aller voir si des athlètes de sports d'endurance ne sont pas en train de se préparer en ayant recours à de l'EPO. Pour les sports de force, on peut penser qu'un pousseur de bobsleigh pourrait être tenté d'utiliser des stéroïdes anabolisants pour renforcer sa masse musculaire».

Q: Vous souligniez récemment que vos appareils d'analyse étaient si performants que vous étiez capables de détecter l'équivalent d'une goutte d'eau dans une piscine...

R: «Nous sommes persuadés que nous avons mis en place la batterie de tests la plus complète disponible à ce jour et disposons de la dernière technologie qui permet de faire des analyses très sélectives, très spécifiques et très sensibles. Nous avons abaissé nos seuils de détection, notamment pour des substances exogènes (non produites par le corps humain) comme des stimulants ou des anabolisants, où nous sommes dans l'ordre du picogramme/millilitre. Avant nous étions dans la dizaine de nanogrammes, nous sommes donc descendus à mille fois plus petit!»

Q: Le tout est donc de faire les contrôles au bon moment ?

R: «Exactement ! Moi, je me pose toujours la question: dans les laboratoires, nous sommes désormais arrivés à des méthodes très sophistiquées, complètes et précises mais pourquoi faut-il toujours chercher des traces ? Pourquoi sommes-nous toujours quelques jours, voire quelques semaines en retard et jamais au pic ? Peut-être qu'il est temps de raffiner un peu plus les stratégies de contrôles.»

Q: Les athlètes intègres peuvent-ils avoir, selon vous, le sentiment que leur droit de participer à une compétition à armes égales sera respecté aux Jeux de Vancouver ?

R: «La première question est de savoir si un athlète propre dans certaine discipline peut réussir à faire son chemin jusque là. Chez un sportif, le dopage ne commence pas la veille des JO ou du Tour de France. Peut-on garantir que tous les athlètes ayant refusé les pratiques dopantes - et qui avaient le niveau - ont eu la chance d'arriver jusqu'aux jeux Olympiques ? Dans certaines disciplines, non ! Voyez la nuance... Mais cela mérite qu'on continue le travail.»

Propos recueillis par Stéphanie Pertuiset