Un célèbre général allemand a déjà dit qu'aucun plan de bataille ne tenait la route une fois l'ennemi rencontré. Cette maxime guerrière pourrait très bien s'appliquer aux Jeux olympiques.

Ce que Helmuth von Moltke voulait dire, ce n'est pas qu'une bonne préparation soit inutile, mais plutôt qu'elle doive tenir compte de l'inattendu.

Cela s'applique particulièrement à la sécurité lors des Olympiques, alors que les enjeux peuvent être bien plus grands qu'une congestion routière ou une retransmission télé ratée. Le massacre des athlètes israéliens des Jeux d'été de Munich, en 1972, le prouve.

Les responsables de la sécurité pour les Jeux de Vancouver savent bien qu'ils doivent être prêts à affronter tous les imprévus.

«Nous devons prendre les choses un jour à la fois, a déclaré le porte-parole de la police de Vancouver, le constable Lindsey Houghton. On ne doit rien sous-estimer et faire le meilleur boulot que l'on puisse faire afin de nous assurer que ces Jeux soient les plus sécuritaires possibles.»

Les Jeux olympiques sont peut-être l'événement le plus complexe à être organisé de façon régulière sur la planète et malgré Munich et toute la refonte de la sécurité engendrée par les événements du 11 septembre 2001, leur mise sur pied peut créer beaucoup de frictions.

Le professeur Scott Decker, du département de criminologie de l'Université Arizona State, a pu étudier les dispositifs de sécurité des Jeux d'été d'Atlanta, en 1996, et d'hiver de Salt Lake City, en 2002, de près.

À Atlanta, Decker a appris que le tout-puissant comité organisateur était intervenu pour réduire la sensibilité des magnétomètres utilisés pour fouiller les spectateurs entrant dans le Stade olympique pour les cérémonies d'ouverture, le temps pour examiner les 78 000 personnes sur place étant apparemment trop long. Les organisateurs craignaient que le spectacle ne soit repoussé, ce qui aurait fait en sorte que la vasque n'aurait pu être allumée aux heures de grande écoute.

«Les gens n'entraient pas et les lignes s'allongeaient. Des membres du comité organisateur sont intervenus directement pour que les spectateurs puissent entrer, se rappelle Decker. Les Jeux d'Atlanta n'étaient pas officiellement commencés que leur plan de sécurité était déjà jeté aux poubelles.»

Don Mischer, qui a produit les cérémonies d'ouverture à Atlanta ainsi que les cérémonies d'ouverture et de fermeture à Salt Lake City, dit que ces cérémonies représentent toujours un défi.

«Plutôt que le niveau des magnétomètres, c'est plutôt leur nombre - insuffisant - qui faisait défaut, a-t-il dit. Ce qui arrive dans ce genre de situation, c'est que quelqu'un se rend compte qu'on a un problème et qu'il décidera d'accélérer le processus de sécurité pour le résoudre le plus rapidement possible.»

Parfois, la sécurité l'emporte sur le spectacle. Mischer se rappelle qu'une chanson spécialement écrite pour les Jeux devait être jouée pendant des feux d'artifice pour clore le spectacle. Mais alors même que ces cérémonies étaient télévisées dans le monde entier, la police d'Atlanta a décidé qu'il n'y aurait pas de feux d'artifice.

«Il semblerait que des gens se soient retrouvés dans la zone prévue pour les retombées, raconte Mischer. Tout d'un coup, alors que nous donnions le feu vert à la pyrotechnie, rien ne s'est passé. C'est le genre de choses qui arrivent.»

En de multiples occasions, les Jeux ont prouvé à quel point tout peut aller de travers.

A Salt Lake City, les Services secrets américains ont apporté un système de communications dont le bureau du sheriff du comté de Salt Lake avait déjà démontré qu'il ne fonctionnerait pas dans les terrains montagneux caractéristiques de la ville.

Non seulement ne fonctionnait-il pas dans les endroits montagneux, mais il ne fonctionnait pas en plein centre-ville. Les agents fédéraux ont dû être jumelés à des policiers locaux qui disposaient d'un système adéquat.

Ce problème démontre à quel point il faut avoir un plan B.

«Je me fous de ce que vous disposez, mais surtout en matière de technologie, tout peut flancher», explique Chris Burbank, le chef de police de Salt Lake City qui été consultant pour les Jeux de Vancouver. «Si vous ne disposez pas d'une autre option, cela compromet la sécurité de l'événement.»

Decker se trouvait dans le poste de commande du département de sécurité des Jeux de Salt Lake quand le président George W. Bush a fait son arrivée en ville. Le responsable a presque eu une attaque quand l'équipe du président n'a pas pris le chemin initialement prévu.

«Les Services sercrets ont conduit le président par la mauvaise rue», indique Decker, ne pouvant préciser ce qui avait entraîné ce changement de programme.

«Il s'agit simplement d'un changement de plan, ce que font souvent les Services secrets», explique Burbank.

Peu importe la raison, quelqu'un avait oublié d'en avertir le responsable de la sécurité.

L'un des plus étranges incidents à Salt Lake City est toutefois la perspective de voir les habitants de l'endroit pouvoir apporter leurs armes à feu sur les différents sites, seulement cinq mois après les attaques du 11 septembre.

L'État permet à ses habitants de transporter une arme dissumulée à tout détenteur d'un permis. Les légisateurs de l'Utah, appuyés par un lobby très bruyant, ont refusé de suspendre ce droit pour la durée des Jeux sur tous les sites appartenant à l'Etat.

Cette décision a entraîné toute une confrontation entre l'Utah et le Comité international olympique, qui a lancé un ultimatum à trois mois de leur ouverture: volte-face ou annulation.

Burbank dit quant à lui que ça ne s'est jamais rendu aussi loin, mais qu'il y a effectivement eu des frictions. La solution a été simple à trouver: tous les sites sont devenus des sites fédéraux, où il est interdit de se trouver en possession d'une arme à feu.

La police a érigé un immense périmètre de sécurité, englobant notamment le principal site de remise de médailles, où tout le monde devait être fouillé pour entrer.

L'un des pires incidents des récents Jeux est sans contredit l'explosion d'une bombe au Parc du centenaire des Jeux d'Atlanta, au cours duquel deux personnes sont mortes et des dizaines d'autres ont été blessées.

La bombe, placée par un militant contre le droit à l'avortement, était cachée dans un sac à dos laissé dans le parc, utilisé pour plusieurs événements gratuits.

Après cette attaque, des agents de sécurité des Jeux et des agents des douanes se sont mis à fouiller tous les gens entrant dans le parc, des mesures qui seront copiées à Vancouver.