Ses genoux la faisaient toujours souffrir et le temps s'écoulait, inexorablement.

La skieuse acrobatique Stéphanie St-Pierre, la battante, l'entêtée, la travailleuse acharnée, n'a cette fois pas eu le choix. Elle a dû se résigner à tirer un trait sur les Jeux olympiques de Vancouver, l'objectif de sa carrière sportive, le rêve d'une vie.

«C'est vraiment difficile, c'est un deuil», a confié St-Pierre, mercredi après-midi, entre deux cours du baccalauréat en communication et marketing qu'elle vient d'entreprendre à l'Université de Sherbrooke.

En théorie, St-Pierre devait être à Zermatt, en Suisse, pour un camp d'entraînement sur neige avec ses coéquipiers de l'équipe canadienne de bosses. Mais vers la fin de l'été, constamment en retard sur son programme de rééducation après une reconstruction du genou droit, il est devenu évident que le temps lui manquerait. Au lendemain d'un banal entraînement en gymnase, elle peinait parfois à descendre les marches. La pression et le stress liés aux aléas de sa condition physique ont aussi pesé lourd.

St-Pierre a pris la décision déchirante il y a trois semaines après avoir réuni son équipe médicale et athlétique à Québec.

«Ils m'ont dit ce qu'ils pensaient, je me suis levée, et j'ai dit : c'est beau, j'ai compris, je ne serai pas de la partie à Vancouver», a raconté l'athlète de 24 ans.

Elle a senti un soulagement dans son entourage. Elle avait déjà précipité des retours impossibles après deux autres blessures au genou gauche. Sans songer aux possibles séquelles permanentes.

«Je voulais juste revenir, et le plus vite possible, mais je n'écoutais pas nécessairement mon corps. Cette année, c'était devenu comme une évidence, il fallait que j'écoute mon corps», a expliqué St-Pierre avant d'ajouter : «Il était plus important pour moi d'avoir la santé plus tard que de participer aux Jeux à Vancouver. C'est là-dessus que j'ai appuyé ma décision.»

À l'âge de 18 ans, St-Pierre a émergé sur la scène internationale, remportant entre autres la médaille de bronze des mondiaux de Deer Valley, en 2003. L'hiver suivant, elle a remporté sa première épreuve de Coupe du monde en simple, devant les siens, à Mont-Tremblant. Mais le ligament antérieur croisé gauche menaçait de rompre à tout moment et elle a dû passer sous le scalpel.

Cela ne l'a pas empêchée de pointer parmi les favorites aux Jeux de Turin, en février 2006. Étouffée par la pression, elle avait accueillie sa 12e place comme une claque au visage. Une bonne leçon pour Vancouver, pensait-elle alors.

L'hiver suivant, elle a fini cinquième du classement de la Coupe du monde, son meilleur résultat à vie. En 2008, elle a dû se faire opérer une deuxième fois après une rupture du ligament croisé gauche. Elle croyait être sur la bonne voie quand le satané genou, le droit cette fois, l'a lâchée en janvier dernier, lors d'un entraînement en prévision de la Coupe du monde de Lake Placid.

Malgré ces revers de fortune, St-Pierre dit ne jamais avoir perdu la passion du ski. Elle sautait d'ailleurs au plafond quand les premiers flocons sont tombés dans la région de Sherbrooke, mardi. Elle ne ferme pas la porte à un retour à la compétition, se donnant jusqu'à l'été prochain avant de prendre une décision définitive.

En attendant, St-Pierre devra faire son deuil olympique. «Ce n'est pas encore digéré», a-t-elle reconnu. À moins qu'un commanditaire ne l'invite à Vancouver, elle prévoit écouter l'épreuve de bosses «dans mon divan, avec ma doudou, mon chum et ma famille, à encourager mes coéquipiers à distance».