Pour une fois, Hermann Maier a été sage. Opéré à un genou en mars dernier, il a écouté son corps et décidé de raccrocher, prenant par surprise tous ceux qui l'attendaient pour un dernier tour de piste à Lake Louise, le mois prochain, là où il avait connu tellement de succès.

La décision, soudaine, a été prise après une première sortie en ski sur le glacier de Sölden, la semaine dernière. «Je voulais me retirer en bonne forme et relaxer un peu», a dit Maier, 36 ans, lors d'une conférence de presse émotive, à Vienne, hier.

Le palmarès en dit beaucoup: quatre grands globes de cristal, deux médailles d'or olympiques, trois titres de champion du monde. Seul le grand Ingemar Stenmark compte plus de victoires en Coupe du monde (86).

Mais les images sont encore plus puissantes. Celles d'un improbable skieur à demi-androïde qui défie les lois de la gravité et même la mort.

Hermann Maier s'est fait connaître par une photo spectaculaire, croquée le 13 février 1998, lors de la descente des Jeux olympiques de Nagano. Suspendu entre ciel et terre, la tête presque à l'envers, le visage concentré, il cherche à éviter le pire dans ce qui deviendra le «crash du siècle» en ski alpin. Il s'est relevé et, trois jours plus tard, est entré dans la légende en gagnant le super-G.

Pendant trois saisons, il a écrasé le circuit de la Coupe du monde, laissant des miettes à ses adversaires. «Tout le monde me hait», écrira le Herminator dans sa biographie.

Impression confirmée par Julien Cousineau. «Tiger Woods, je veux le voir gagner, expliquait hier le skieur québécois, à l'entraînement en Autriche. Maier, ce n'était pas pareil. Il était tellement arrogant. J'aimais ça que quelqu'un d'autre gagne...»

L'accident de moto, où Maier a failli laisser sa peau et une jambe en août 2001, allait semble-t-il tout changer.

Cousineau était là quand Maier est revenu à l'action, 508 jours plus tard, pour un slalom géant à Adelbolden. «Je l'avais sorti des 30 premiers», s'est-il souvenu.

Deux semaines plus tard, Maier a signé sa plus grande victoire, remportant un super-G devant les siens sur la redoutable Streif de Kitzbühel.

La saison suivante, il a remporté le classement général de la Coupe du monde pour la quatrième fois. Il était devenu plus affable, plus humble, souligne Cousineau, qui a commencé à l'apprécier davantage. «C'est un vrai champion, a-t-il noté. Il avait une personnalité différente, comme la plupart des champions.»

Un personnage

Aux Jeux de Turin, en 2006, Maier a fini sixième de la descente. Il avait quitté l'aire d'arrivée un peu esseulé, signant quelques autographes en marchant. Il boitait clairement, séquelle de son accident de moto. (Les vibrations de la botte sur sa cheville l'ont d'ailleurs fait souffrir jusqu'à la fin de sa carrière.) La semaine suivante, il a ajouté deux médailles à son palmarès olympique.

Presque trois ans plus tard, à Lake Louise, personne ne l'attendait. Les bonnes courses se faisaient rares. Il avait mal au dos. On s'intéressait à lui parce qu'il était l'un des rares à connaître la future descente olympique de Whistler. Bode Miller et Aksel Lund Svindal prenaient toute la place. L'homme au fameux casque jaune était devenu un personnage.

Puis, à presque 36 ans, Maier a gagné un quatrième super-G dans les Rocheuses albertaines, devançant le Canadien John Kucera. Sa 54e victoire en Coupe du monde, sa première en trois ans. Ce fut sa dernière conférence de presse dans le siège du vainqueur. L'idée de la retraite avait probablement commencé à faire sa trace.