Le parcours sinueux de la Face de Bellevarde ne convient pas aux descendeurs canadiens, entendait-on en provenance de Val d'Isère. On avait oublié John Kucera.

Le skieur format poche de Calgary a causé la surprise en gagnant la descente des Championnats du monde de ski alpin, samedi, en France Profitant d'une fenêtre météo favorable, Kucera a devancé les Suisses Didier Cuche et Carlo Janka pour offrir au Canada un premier titre mondial depuis celui de Mélanie Turgeon, en 2003.

«C'est un rêve devenu réalité», a déclaré Kucera, premier skieur masculin canadien à mériter l'or de la descente aux Mondiaux.

Classé 30e de la spécialité sur le circuit de la Coupe du monde, Kucera n'avait jamais fait mieux que septième dans la discipline reine du ski alpin.

«J'étais pourtant confiant car je sentais bien cette montagne, qui exige des qualités physiques et techniques, a souligné l'athlète de 24 ans, sixième du super-G mercredi. Bien sûr, je ne pensais pas à l'or, mais ce matin, en me rendant au départ, je partais pour un podium.»

 

Chutes et interruptions

 

Deuxième à s'élancer, Kucera a bénéficié d'une visibilité nette pour franchir les 2988 mètres en 2:07.01, délogeant le légendaire Autrichien Hermann Maier, par 1.18 seconde.

Dans le box du meneur, l'Albertain de cinq pieds huit pouces a dû regarder les 36 partants suivants tenter de lui ravir la première place. L'attente a été particulièrement longue, le déroulement de la course ayant été entrecoupé de nombreuses chutes, dont celle du Québécois Erik Guay, sorties de parcours et interruptions dues au brouillard.

Michael Walchhofer, leader du classement de la descente en Coupe du monde, a même pu s'y prendre deux fois plutôt qu'une. À son premier essai, il s'était élancé en ne sachant pas que le signal d'interruption de course n'avait pas été levé. Autorisé à un second départ une heure plus tard, il a amélioré son rang de 12e à neuvième, un exploit en soi compte tenu du défi physique que représente la Bellevarde.

«Ça a été angoissant de regarder Walchhofer, même si je savais que ce serait difficile pour lui, a raconté Kucera en conférence de presse. Le parcours est très demandant physiquement. J'étais moi-même complètement vidé à la fin de ma descente. Mais je ne l'ai pas écarté de la course avant qu'il ne soit dans l'aire d'arrivée.»

Médaillé d'or au super-G, le vétéran Cuche est venu bien près de réussir le prestigieux doublé en vitesse, échouant par seulement quatre centièmes. «C'est sûr que je peux trouver deux endroits où j'ai fait de petites erreurs, mais j'ai plus l'impression d'être allé chercher la médaille d'argent que d'avoir perdu l'or», a indiqué le skieur de 34 ans.

Honnête, Cuche a souligné que sa course avait commencé la veille lors du tirage au sort, où il a obtenu le dossard 16. Les coureurs suivants, tous des favoris, ont en effet été ennuyés par des nappes de brouillard. Les Guay (17), Kroell (18), Miller (19), Svindal (20), Walchhofer (21) et Defago (22) en ont tous pâti.

 

Travail et persévérance

 

Kucera n'a cependant pas volé sa médaille d'or. La précision de ses virages dans la section du milieu a été très payante. Il a également été le seul skieur à pouvoir employer une trajectoire très serrée dans le dernier virage important. Révélatrices, les reprises vidéo où sont juxtaposées les courses de deux skieurs ont démontré que la stratégie du Canadien était la bonne. Dans le box du meneur, Kucera avait le sourire en coin du gars qui sait.

La victoire de Kucera est celle du travail et de la persévérance. Issu d'une famille d'immigrés tchèques, il a appris à skier sur les pentes des stations albertaines Norquay et Nakiska au milieu des années 80. «Ce sont deux montagnes très à pic où il y a peu de plat. Ça m'a peut-être aidé pour ici», a-t-il relevé.

Kucera n'a jamais été considéré comme un grand espoir au fil de son développement. Ses parents ont ré-hypothéqué la maison familiale à deux reprises pour lui permettre de continuer. Plus géantiste que descendeur, Kucera a révélé son potentiel en remportant le super-G de Lake Louise en novembre 2006. Il avait dédié sa seule victoire en Coupe du monde à un ami et entraîneur, mort l'été précédent dans un accident de vélo. En novembre dernier, Kucera a fini deuxième derrière Maier dans la même épreuve.

À un an des Jeux olympiques de Vancouver, le nouveau champion du monde peut maintenant rêver à l'or sur la piste Dave Murray de Whistler, où il a gagné le championnat national l'hiver dernier.

«C'est excellent pour la confiance, non seulement pour moi, mais pour tout le reste de l'équipe, a reconnu Kucera. Personnellement, je sais maintenant que j'ai la capacité de tout mettre ensemble lors du deuxième événement le plus important après les Jeux. J'espère pouvoir me servir de cette expérience et de cette confiance pour obtenir un grand résultat aux Jeux olympiques.»