Été 2004, coup de fil de Nicolas Fontaine au bureau: «J'organise une tournée de recrutement dans les clubs de gymnastique et de trampoline du Québec. Je veux préparer une relève en saut pour les Jeux olympiques de 2010.» Ah oui? Bonne chance.

Nicolas Fontaine est un sacré têtu doublé d'un visionnaire patenté. Retraité en 2003, l'ancien champion du monde de saut acrobatique refusait de voir mourir la Québec Air Force. Son plan est en train de réussir. Même que ça va un peu plus vite que prévu.

Mis en branle à l'été 2005, sur les rampes d'eau du centre Yves Laroche à Lac-Beauport, le projet «Saut 2010» a produit ses premiers fruits, hier après-midi. Olivier Rochon et Sabrina Guérin, deux anciens gymnastes recrutés par Fontaine, ont obtenu le meilleur résultat de leur seconde carrière, terminant respectivement cinquième et septième à la Coupe du monde du mont Gabriel.

Soudainement, une participation aux Jeux olympiques de Vancouver ne représente plus une utopie. «À un certain point, on pensait qu'on s'était pris un peu tard, que ce serait impossible de se qualifier, mais ça ne semble plus être le cas», a constaté Fontaine, entraîneur-chef de l'équipe canadienne de développement.

Rochon a été particulièrement impressionnant. Avant de s'élancer en finale, il n'avait réalisé le triple saut avec quatre vrilles qu'à trois reprises. Deux fois samedi à l'entraînement et une fois avant la finale. Le sauteur de 19 ans a fait ça comme un vétéran, obtenant le troisième score de la finale pour remonter jusqu'en cinquième place.

Euphorique, Rochon? Pas du tout. «Je vise le top 5 à chaque Coupe du monde», a calmement expliqué l'athlète de Gatineau, qui compte un grand total de... quatre départs sur le circuit. «Je compte un peu sur le fait que j'ai moins d'expérience et que j'ai donc moins de pression.»

La veille, Fontaine avait convaincu Rochon qu'un résultat parmi les cinq premiers était envisageable compte tenu de ses scores lors de deux victoires en Coupe Nor-Am, le mois dernier, en Colombie-Britannique.

«J'ai suivi le plan et ça a fonctionné», a dit Rochon, qui anticipe ajouter une cinquième vrille à son arsenal la saison prochaine. «Il faut monter vite parce que les Jeux olympiques, c'est l'an prochain. Je n'ai pas vraiment le choix!»

Guérin joue de chance

Septième la semaine précédente à Lake Placid, Guérin, 23 ans, a profité d'une hécatombe chez les favorites - chutes et blessures - pour se hisser jusqu'au septième rang. La Lavalloise a fini à une vingtaine de points de la gagnante, l'Australienne Lydia Lassila. Cette dernière a surmonté une commotion subie en début de semaine pour résister à un tir groupé de cinq Chinoises.

Guérin avait mis fin à une carrière de 15 ans en gymnastique quand elle s'est lancé dans le saut... sans notions de ski. Fontaine se souvient avec amusement de ses premières séances de «sauts droits» sur les pentes du mont Orford, à l'hiver 2006. «Le ski, ça s'apprend mieux que les vrilles», a souligné Guérin, aujourd'hui l'une des plus solides sur les atterrissages.

Rochon, lui, offrait la «combinaison parfaite» quand Fontaine l'a recruté en 2005. Gymnaste depuis l'âge de 5 ans, il faisait aussi partie du club de bosses de Saint-Sauveur. Membre de l'équipe nationale junior de gymnastique, Rochon aurait eu à se soumettre à des opérations aux poignets pour espérer continuer. La convalescence aurait été longue dans un sport où les carrières se finissent généralement tôt.

L'appel de Fontaine est arrivé au bon moment. À sa troisième saison en saut, les espoirs sont déjà très grands pour Rochon. «On dirait qu'on n'aura pas de limites avec lui, a estimé Fontaine. Il est terre-à-terre, travaillant, tout comme Sabrina. Je pense qu'il va toujours nous surprendre.»