Stéphanie St-Pierre s'est fait refaire le genou gauche le 13 février 2008. Elle a de la chance, elle avait subi presque exactement la même opération quatre ans plus tôt. La skieuse de Victoriaville sait maintenant quoi faire. Et quoi ne pas faire.

Stéphanie St-Pierre avait 18 ans quand elle a subi une première reconstruction du ligament croisé antérieur gauche. Malgré la douleur, elle pointait alors au septième rang du classement mondial des bosses. La saison précédente, elle avait gagné le bronze aux Mondiaux de Deer Valley, en plus de remporter la Coupe du monde de Mont Tremblant. Les espoirs étaient grands pour les Jeux olympiques de Turin.

Comme le ligament menaçait de rompre à tout moment, St-Pierre pouvait difficilement éviter la chirurgie. À deux ans des Jeux olympiques, le moment était idéal. Une saison et demie, ce serait amplement suffisamment pour se remettre, calculait-elle.

St-Pierre a alors tout mis de côté, école, ami et autres intérêts, pour s'investir totalement dans son sport. Elle s'est isolée, s'est mise à calculer tout ce qu'elle mangeait, à s'entraîner comme une damnée, sans s'accorder de repos. Elle gérait sa carrière de A à Z.

«Tu sais, la pointe de tarte dans ma vie qui devait être le ski? Eh bien moi, c'était la tarte au complet. Je n'avais plus d'équilibre. J'étais Stéphanie St-Pierre et je gérais la carrière de Stéphanie St-Pierre. J'ai comme freaké out», raconte-t-elle quatre ans plus tard.

À Turin, elle a skié sans plaisir sous une tonne de pression. Le résultat a été à l'avenant: 12e alors qu'elle partait quatrième favorite. Son monde s'est écroulé. «Tout ce que j'avais fait dans ma vie pendant un an et demi était pour ce moment-là. Et il était passé. Ils ne me disaient pas de remonter en haut. C'était fini, point.»

Elle a songé à tout plaquer. Ça n'a pas aidé que la fédération canadienne l'incite à déménager à Vancouver en vue des Jeux de 2010. Comment pourrait-elle trouver un équilibre en vivant à 4000 kilomètres de chez elle, loin de son chum, de la famille et des amis?

Au bord du désespoir, St-Pierre a envoyé un signal de détresse à Dominick Gauthier, qui s'apprêtait à quitter son poste d'entraîneur au Japon. Elle connaît l'ancien skieur olympique depuis qu'elle est toute petite. Les deux familles sont amies; le père de Stéphanie est gynécologue, comme l'était celui de Dominick. Dès l'âge de 8 ans, St-Pierre participait avec son père aux camps estivaux organisés par Gauthier et Jean-Luc Brassard sur le glacier de Whistler. «Dominick, je l'admirais comme un héros», dit-elle.

Gauthier a dit à Stéphanie: repose-toi, je m'occupe de tout. L'idée de B2Dix, la structure d'entraînement privée qu'il voulait déployer autour de Jennifer Heil, championne olympique, et Alexandre Bilodeau germait déjà.

St-Pierre a été intégrée au groupe. Depuis, c'est le jour et la nuit. Sans débourser un sou, elle profite des services d'experts renommés dans tous les domaines. À part pour ses tâches d'athlète, elle n'a pas à lever le petit doigt. Gauthier organise tout. Elle n'a qu'à ouvrir sa boîte de courriel pour connaître le programme de la semaine.

«Comme Dominick me dit: quand tu arrives chez toi et que tu enlèves tes running shoes, tu n'es plus une athlète, tu es Stéphanie St-Pierre», résume la skieuse de 23 ans.

Elle a repris ses cours par correspondance, a renoué avec parents et amis, a acheté une maison avec son chum à Québec.

Quand son ligament a lâché sur un banal virage à l'entraînement, il y a un an, à Lake Placid, St-Pierre était prête à faire face à la musique.

L'opération a été un succès, la rééducation aussi, mais la douleur est toujours présente. La prudence est donc de mise. Pendant que ses coéquipiers enfilent une dizaine de descentes à l'entraînement, St-Pierre est limitée à trois, quand ce n'est pas congé forcé. Ça fait plaisir quand Heil, qui est passée par là, vient lui donner une tape compatissante sur l'épaule en repartant avec son sac à dos. L'idée est de se rendre jusqu'aux Jeux de Vancouver en santé.

St-Pierre a effectué son retour à la compétition le mois dernier en France. Sans préparation, elle a fini 12e. Mais dans son coeur, son véritable retour, elle le vivra samedi, devant les siens, à la Coupe du monde de Mont Gabriel.