Le premier Québécois au Tour de France n'est pas resté anonyme longtemps. David Veilleux a passé plus de la moitié de la deuxième étape en tête, dimanche, avant de dépanner son leader d'équipe Pierre Rolland, victime d'un ennui mécanique à un moment critique à une dizaine kilomètres de l'arrivée.

Héritier du vélo de Veilleux, Rolland a pu sauver les meubles et rentrer avec le peloton principal d'une centaine de coureurs, que le Belge Jan Bakelants a devancé in extremis pour remporter l'étape et revêtir le maillot jaune de leader à Ajaccio.

Pour couronner cette journée pimentée par Europcar - Thomas Voeckler et Cyril Gautier sont aussi passés à l'attaque -, Rolland a hérité du maillot à pois de meilleur grimpeur, une récompense qu'il accueille avec «fierté». Mais il était surtout heureux d'avoir évité le pire quand sa chaîne a déraillé à 12 km de l'arrivée, au pied d'un raidillon où le favori Chris Froome s'est montré pour une première fois.

«Heureusement, David était là et s'est sacrifié en me donnant son vélo», a souligné Rolland quelques secondes après l'arrivée. «Grâce à lui, j'ai pu finir dans les premiers. Ça a été une journée assez difficile.»

David Veilleux l'a commencée sur les chapeaux de roue, provoquant l'échappée du jour dès les premiers kilomètres à la sortie de Bastia. Le Français Blel Kadri (AG2R), le Danois Lars Boom (Belkin) et l'Espagnol Ruben Perez Moreno (Euskaltel) se sont joints à lui avant de plonger pour la première fois à l'intérieur de l'île de Beauté.

«C'était de faire la course pour essayer de faire des choses, a expliqué le directeur sportif Ismaël Mottier. David était très bien. Il était désigné ce matin.»

Le peloton n'a pas laissé beaucoup de marge de manoeuvre au quatuor, dont l'avance n'a jamais dépassé 3 min 15 s. Cet écart avait considérablement diminué avant que les coureurs n'abordent les montagnes pour la première fois du Tour.

Après avoir franchi le col de Bellagranajo (troisième catégorie) avec ses trois acolytes, Veilleux a senti qu'ils n'en auraient plus pour très longtemps. Il a tenté sa chance dans le col de la Sera (troisième catégorie), provoquant la perte de Boom et Perez Moreno. Puis Kadri, très à l'aise sur ce type de terrain, s'est envolé seul.

«Je savais que c'était déjà mort pas mal notre échappée, a expliqué le cycliste de Cap-Rouge. C'était vraiment d'essayer de survivre le plus longtemps juste pour le thrill

En entendant que Thomas Voeckler s'était extirpé du peloton, Veilleux a alors «levé le pied» pour tenter de prêter main-forte à son vétéran coéquipier. La tentative a fait long feu, la formation FDJ.fr n'entendant pas laisser filer Voeckler.

Sur le col suivant, le plus important de la journée, Rolland est lui-même allé chercher Kadri avant de franchir le sommet solo. Il restait une longue descente vers Ajaccio, où ça s'est considérablement animé avant la dernière difficulté.

À 17 km, Veilleux s'est pointé en tête de peloton, avec Rolland et Gautier dans sa roue. «Tout d'abord, c'était le premier jour de chaleur (28 degrés, ndlr)», a souligné Rolland, huitième du dernier Tour de France. «Ensuite, ça roulait vite. Il ne faut pas croire que les étapes longues sont les plus difficiles. Souvent les plus courtes (156 km dimanche) sont très nerveuses et ça roule très vite. Il y a eu vraiment un gros tempo et à la fin, tout le monde accusait un peu le coup.»

Alors que Gautier levait les voiles dès le début de la côte du Salario (1 km à 9 %), Rolland était stoppé net par son problème mécanique. Veilleux était là pour l'aider. «J'étais à la bonne place au bon moment, a dit l'athlète de 25 ans. C'était parfait. C'était mon travail de faire ça.»

Il a récupéré le vélo de rechange de Rolland et il est rentré tranquillement à la ligne, s'adaptant comme il pouvait au pédalier ovoïde.

Veilleux avait récupéré sa monture et se préparait à longer la mer pour rentrer à l'hôtel lorsque son manager Jean-René Bernaudeau l'a interpellé.

«David, bravo, il faut de la réussite!» a-t-il lancé. «Pas de regrets quand même?»

«Non, non, c'est bon, j'ai essayé», a répondu Veilleux, qui a conclu l'étape au 116e rang, à 9 min 6 s du gagnant.

«Je suis très fier des gars», a ajouté Bernaudeau à l'intention de La Presse. «Ils ont montré le vrai visage de l'équipe: combattifs, culottés, téméraires. Ça leur convient bien. C'est une équipe qui n'a pas de complexes. C'est une image que les Français aiment.» Les Québécois aussi.