La participation de David Veilleux au Tour de France, qui commence samedi en Corse, annonce peut-être le début d'un âge d'or pour le cyclisme québécois.

C'est du moins l'avis de quelques-uns des principaux responsables du développement des espoirs de ce sport au Québec et au Canada.

À leurs yeux, Veilleux fait partie d'une génération d'exception dont il est le précurseur. Et s'il a fallu attendre trois quarts de siècle pour voir un deuxième Québécois disputer la compétition par excellence du cyclisme professionnel - Pierre Gachon a été le premier en 1937 -, selon eux il ne faudra pas attendre aussi longtemps pour en voir un troisième ou même un quatrième.

C'est ainsi que Guillaume Boivin, 24 ans, Hugo Houle, 22 ans, et Antoine Duchesne, le champion canadien sur route U-23 depuis deux ans même s'il n'a que 21 ans, pourraient bientôt attirer l'attention d'un plus large public à leur tour.

«Ce n'est pas un hasard, dit Louis Barbeau, directeur général de la Fédération québécoise des sports cyclistes (FQSC), de l'ascension de Veilleux et des autres. Il y a une cuvée de coureurs (québécois) qui découle du fait que le cyclisme jouit d'une popularité grandissante depuis quelques années. Et aussi, du fait qu'il y a eu un nombre grandissant d'événements internationaux au Québec qui ont permis à nos athlètes de se frotter plus régulièrement à des coureurs de calibre international.

«C'est également attribuable aux programmes de l'équipe nationale et de la FQSC, ajoute Barbeau. Ceux-ci n'ont pas tant changé, mais, au fil des ans, on a réussi à mieux soutenir nos athlètes dans leurs efforts de développement.»

Notamment, les dirigeants du cyclisme ont appris à mieux manoeuvrer pour «placer» des coureurs au sein des clubs de premier plan en Europe. Cela a permis à Houle et Boivin de se retrouver respectivement avec AG2R La Mondiale et Cannondale. Il s'agit de deux formations du WorldTour, la principale vitrine du cyclisme professionnel.

«Souvent, c'est simplement une question de se voir accorder une opportunité, que quelqu'un vous fasse confiance et vous donne la chance de démontrer de belles choses», fait remarquer Barbeau.

«Nos coureurs sont également en train de réaliser qu'il faut faire des sacrifices et s'expatrier, même si ce n'est pas facile à cause de l'éloignement», note de son côté Louis Garneau, homme d'affaires qui commandite plusieurs activités du cyclisme québécois.

La mise sur pied de l'équipe canadienne SpiderTech, en 2008, a également attisé l'intérêt des grands clubs étrangers pour les coureurs canadiens. En évoluant au niveau continental en 2011 et 2012, cette équipe dirigée par l'ancien cycliste canadien et maillot jaune du Tour de France Steve Bauer a permis aux meilleurs espoirs canadiens - dont Houle, Boivin et Duchesne - de se doter d'un bon bagage d'expérience pratique, comme les hockeyeurs le font dans la Ligue américaine avant d'accéder à la LNH.

«Ç'a permis à ces athlètes-là de courir sur une base plus régulière en Europe et au niveau international, de cheminer et de progresser beaucoup», souligne Barbeau.

«SpiderTech a été un élément déclencheur. (Bauer) a allumé plein de monde, affirme Garneau. Ç'a ouvert une porte, et maintenant les grands clubs sont prêts à faire une place à nos coureurs.»

Puisque SpiderTech a cessé ses activités l'an dernier, la responsabilité du développement des athlètes jusqu'au niveau international repose de nouveau sur les seules épaules de Cyclisme Canada. Cet organisme prévoit se tourner, au cours des quatre à huit prochaines années, du côté du cyclisme sur piste pour accélérer la progression de ses espoirs. On compte notamment recruter de jeunes athlètes doués dans d'autres sports, qui ont déjà une bonne endurance et qui aimeraient pratiquer un sport moins dur sur les articulations, et les initier à ce sport par la piste, explique Jacques Landry, directeur de la haute performance à Cyclisme Canada.

«Les épreuves sur piste sont les épreuves cyclistes les plus pures qui soient, affirme Landry. Beaucoup d'athlètes sont passés par la piste avant de devenir bons sur la route. Le Britannique Mark Cavendish a commencé sur piste, Bradley Wiggins aussi.

«La piste permet aux coureurs d'acquérir beaucoup d'habiletés - un bon coup de pédale, une bonne technique... Et éventuellement, ils deviennent bons dans d'autres épreuves cyclistes, explique Landry, en précisant qu'il s'agit là d'une approche que la Nouvelle-Zélande, l'Australie et l'Angleterre ont adoptée. Le développement des coureurs se fait alors plus rapidement.»

Landry aimerait bien par ailleurs qu'une équipe professionnelle canadienne renaisse un jour, et établisse des liens étroits avec le programme national olympique comme on l'a fait en Grande-Bretagne et en Australie.

«Ce serait bien de faire comme les Britanniques, qui ont un partenariat avec Sky, dit-il. Ils peuvent faire un programme sur piste, mais aussi avoir une continuité dans l'approche jusqu'à l'équipe pro sur route. La même chose se fait en Australie, avec Orica-GreenEDGE.»